We will fight just to survive. (Finn) [Terminé]

T’es ailleurs et l’alcool est en train de te prendre les rênes. Tu l’écoutes, tu souris, et tu enfouis au fond de toi. Mine de rien, c’est dans cette ambiance qui te plait presqu’autant qu’elle te frustre que tu emmagasines le plus de choses sur elle. Comme les fruits qu’elle trie, comme ses réactions, comme son besoin de te rappeler qu’elle fait attention.

« »

T’as voix est douce, peut-être un peu trop détachée. Quoi qu’il en soit, tu lui adresses un joli sourire avant de remettre le nez dans l’alcool. Et franchement, ça t’arrache toujours autant la bouche et la gorge. Et comme à chaque gorgée, tu te retrouves à fermer les yeux avec force pour contenir l’écoeurement.

Pourquoi bois-tu ? C’est un peu la question que tu te poses à chaque fois que tu te fais éclater l’estomac avec ce tord-boyau. Tu aimes le bourbon, mais tes réserves sont trop précieuses pour ouvrir les bouteilles. Alors tu oublies ou tu fais craquer tes défenses avec ce genre d’alcool incolore. C’est ça oui, cesser d’être ce que tu es. Oublier, pour éviter de faire une connerie et parce que c’est fatiguant, à force.

« Tu chuchotes tout doucement, alors que tes paupières se relèvent sur un regard brillant, par l’alcool et l’émotion. »

Pourquoi tu prends la charge de cette construction au juste ? T’en sais rien, mais alors que tu te penches un peu en la tenant pour ne pas qu’elle chavire pour reposer ton verre presque fini, tu te figes. Il te faut une respiration pour te reprendre, finir de déposer le verre et revenir au fond du canapé en la serrant contre toi.

« T’y arrives pas. Alors tu finis par émettre un rire un peu étrange, comme brisé en dedans sûrement. »

Et tu sais parfaitement à ce moment-là que ce qui sera important, une fois cette vie de survie finit, ce sera de veiller sur elle et de tout faire pour lui offrir la plus belle vie possible. Tu veilleras sur Katlyne et Karel aussi. Puis tu continueras tes recherches pour créer un monde meilleur, aussi.

« »

Pourquoi tu lui demandes ça ?! Vraiment, pourquoi tu fais ça, Finn ? Tu veux ta propre fin ? Ou l’alcool a décidé de te briser définitivement le coeur et l’espoir ? Franchement t’en sais rien, mais ta tête se penche et ta joue finit par se poser contre le haut de sa tête, sans rien dire de plus.

Elle rit et tu ne peux retenir ton sourire. C’est un des sons que tu préfères dans ta vie. Le rire d’une personne comme elle, comme sa mère, comme ceux qui ont encore de l’espoir et de l’humanité. Toi, tu sais que tu n’as jamais eu cette étincelle dans la voix parce que tu n’es pas né égale aux hommes. Un peu plus d’intelligence, beaucoup moins d’émotions. Ce que ça t’a appris c’est que l’homme est bien plus défini par ses émotions que par son intellect.

« Et tu sais que tu ne lui réponds pas. Tu t’en rends compte, et tu ne lui laisses pas le loisir de te le faire remarquer, tu finis par reprendre. »

Et quel est ton rôle hein ? Tu te persuades que c’est celui d’être un travailleur au service du bien commun, mais dans le fond, Finn, t’en dis quoi ? La vérité est peut-être bien plus oppressante que ce que tu crois. T’en sais rien. T’en sais fichtrement rien et ça te fait si peur que tu t’es enfermé dans une vie malheureuse, aveugle, seul, pour oublier ça. Tu es ton propre accusateur, juge et bourreau.

« Tu reviens à la réalité en entendant sa réponse. »

Tu souris à cette idée qui te triture l’esprit, mais la majeure partie de ta curiosité reste inassouvie, puisqu’elle n’a pas l’air de savoir… ou d’en dire plus. Et tu aurais envie d’insister, mais sa question te prend de court. Elle s’écarte presque aussi vite qu’elle s’excuse et tu restes là, maladroit, perdu, le visage si pâle que tu as l’air d’être malade. Jusqu’à finir par bouger aussi. Tu reprends ton verre, et tu l’avales cul sec, avant de soupirer.

« »

Tu tends la main et tu attrapes son menton entre ton pouce et ton index, légèrement, comme si tu craignais de la briser. Tu la tournes vers toi et tu lui présentes un sourire rassurant, si on omet ta pâleur.

« Tu relâches son visage avant de te perdre dans cette déclaration étrange. »

Tu es lent, doux, plus pédagogue que tu ne l’as jamais été. En faite, tu parles de toi comme s’il ne s’agissait de rien de grave, pour aller avec ce sourire que tu continues à faire trôner sur tes lèvres.

« »

Tu te retiens de la toucher, de rendre l’exercice encore plus difficile.

Elle a raison, la jolie Karhlya. Rien n’est fait, et toi-même tu n’as pas une vue sur le futur. Si tu vas t’acharner pour lui offrir ce rêve qu’elle a, tu ne peux même pas lui promettre de l’obtenir. Tu feras en sorte que certaines choses arrivent, même si l’humanité n’arrive pas à reprendre le dessus de la maladie. Oui, même si tu dois creuser une mer devant sa maison pour qu’elle puisse la voir, tu le feras…

« »

Un souffle lorsqu’elle rattrape ta main. Comme pour lui dire de ne pas le faire. Pour rappeler que tu es vieux, que tu n’as pas besoin de pleurer sur l’épaule de quelqu’un. Ouais, tu es sur le point de la repousser, pour éviter de te perdre, mais sa voix t’arrête. C’est fou, non ? Tu imposes ton savoir quand il le faut, mais ce petit bout de femme te force au silence de sa voix douce. Et ce n’est pas pour te déplaire.

Sauf là. Parce que les mots qu’elle prononce réveillent de l’espoir, le tue en même temps. Si tu devais recevoir le châtiment d’un des cercles de l’Enfer de Dante, ce serait quelque chose de ce goût-là. Et pourtant, figé, tu l’écoutes. Même quand elle rougit. Même quand elle tente de se reprendre et que ton coeur se met à tambouriner comme un malade dans ta poitrine. Même après, quand le silence se pose.

« »

C’est un murmure douloureux. Et alors qu’elle a tourné la tête pour cacher sa gêne, toi, tu ne peux retenir tes yeux de se charger de chagrin. Jusqu’à aujourd’hui, tu avais oublié combien ça fait mal d’aimer, même si ça te rend encore plus vivant. Quoi qu’il en soit tu finis par faire la seule chose que tu sais faire. Fuir, d’une manière ou d’une autre.

Tu te remets debout, un peu soudainement et surtout avec un équilibre précaire. Sans réfléchir, tu te penches vers elle pour embrasser sa joue, en un baiser bien différent de ce qui que tu lui as offert tout à l’heure sur le front. Tes lèvres sont brûlantes, presque autant que tu brûles d’amour pour elle. Et puis tu finis de te relever, attrapant la bouteille d’alcool avec toi et tu fuis vers la cuisine d’un pas difficile.

Ce n’est que lorsque tu échappes à sa vue que tu laisses couler quelques larmes avant de les effacer d’une main tremblante. Il te faut farfouiller un moment dans ton placard pour trouver un récipient et également essayer de te reprendre. Et puis, finalement, tu lances d’une voix enjouée, forcée aussi malheureusement :

« »

Si tu le pouvais, tu voudrais rembobiner le passage qui vient de se jouer pour oublier. Tu réécrire l’histoire pour éviter de souffrir, mais surtout pour ne pas la blesser. Tu ferais en sorte qu’elle arrive chez toi, que tu aies un super gâteau à manger et puis tu entraînerais sans attendre dans ton jardin. Et… Dans ta tête, le jardin s’est transformé en verger et des pommes rouges brillent sur les arbres.

Elle se lève et te rejoint quand tu l’appelles. Les mains moites, tu l’attends en essayant de préserver ton air ouvert, chaleureux, alors que tout ton corps est un subtil mélange de feu et de glace. C’est explosif, et tu sais qu’à ce rythme, tu vas craquer devant elle.

« »

Si elle n’a rien dit non plus, tu n’arrives pas à rompre ce silence étrange, que tu as forcément apporté avec toi en la fuyant. T’espères qu’une fois dehors, tout va redevenir comme avant et l’air pesant de la maison qui se réchauffe sera soufflé par le vent humide de l’extérieur.

Ceci dit tu n’auras pas la réponse, puisqu’elle se hisse vers toi avant de venir te serrer contre elle. Et cette étreinte, c’est comme si elle faisait exprès de te rendre dingue. Un instant tu l’envisages. Qu’elle ait des sentiments sans oser faire le premier pas et que tout cela soit une mascarade pour te le faire comprendre. Vraiment, tu voudrais y croire, mais tu sais que celle qui est si douce pour toi est bien trop innocente pour te voir comme ça.

Alors tu ne bouges pas, et quand elle se recule, tu essaies encore de te persuader que tu peux arrêter tout ça, reprendre en main et changer la donne. Vraiment, t’y crois. Sauf que là, tu la vois attraper la bouteille et boire. Et ça explose dans ta tête à cette vision. Karhlya n’est plus une enfant.

« Tu lâches, comme une invitation. Et comme pour le prouver, tu attrapes une bouteille et tu remplis ton verre d’un mélange sirop de fruit rouge maison et alcool. »

Pourquoi ?! Pourquoi tu te réfugies derrière l’alcool pour oser ?! Pourquoi… Tu frissonnes, alors que tes propres lèvres avalent un peu de liquide, comme pour lui prouver que c’est meilleur. Et en effet, le sucre du sirop apaise la puissance brûlante de l’alcool. Et t’es là, avec ton verre en main entre vous, et ta main libre, elle, décide de ne plus la lâcher. Tu glisses tes doigts dans ses cheveux, au-dessus de son oreille, et ton regard sombre ne se détourne pas.

« »

Continuer à toucher ses cheveux ? Lui offrir de l’alcool ? Oser lui dire ce qui te brûle les lèvres ? T’en sais rien, mais tu finis par te pencher vers elle, pour l’attirer contre toi, comme si tu répondais en retard à sa propre étreinte. D’un bras, maladroit, le nez dans ses cheveux.

« »

Aucun sens. Tu ne sais même plus où tu vas, là.

Elle boit. Mieux, elle accepte le verre et elle le porte à ses lèvres en souriant. Et, sincèrement, Finn, cette vision te rend dingue. Tu pouvais la préserver de tout, de tes sentiments, tes peurs, ton envie, tes espoirs, tant qu’elle était et restait une enfant. Mais là, devant toi, loin de sa mère ou du cadre particulier du labo, tu ne vois plus ça. Tu l’as vois pour la première fois clairement. Une femme, avec ce pouvoir incroyable sur toi. Et tu sais quoi ? Tu as un coup de foudre, pour la deuxième fois en si peu de temps et pour la même femme.

C’est avec ça que tu l’attires contre toi. Avec ces pensées en tête que tu la serres contre toi, et que tu te perds à son contact. Tu voudrais pleurer, rire, l’embrasser et la fuir en même temps. Mais tu ne fais rien. Tu la serres juste contre toi en respirant profondément, comme pour ne pas perdre le contrôle.

Jusqu’à sa voix. Jusqu’à sa main sur ta nuque, et l’autre crispée contre toi. Jusqu’à perdre la partie. Parce que contre elle, tu ne pourras qu’être perdant… et ce n’est même pas si effrayant.

« Ta voix s’écorche, se brise et tu la serres plus fort contre toi, comme un possédé. »

Tu poses une main au creux de ses reins, l’autre toujours accrochée à ses cheveux et tu en trembles presque tant tu veux la serrer fort contre toi et ne pas la blesser en même temps. C’est à devenir fou. C’est ça, tu es fou… Fou d’elle.

« »

Tu tangues un peu quand tu décroches ton visage de ses cheveux, parce que l’alcool a complètement fait exploser plusieurs de tes centres de commandes visiblement. Tu penches sa tête en arrière, et tu la regardes. Nan. Tu la dévores du regard. Tes yeux brillent si fort que toi-même, tu ne sais pas si tu vas pleurer ou rire.

Et au bout d’un moment, tu poses la question qui te brûle les lèvres, comme ça, abruptement.

« »

Comme une femme, désirée au plus profond du coeur d’un homme. Comme une adulte, égale à toi, qui est bien plus forte que tu ne le seras jamais. Comme un fou, prêt à se damner pour sa belle. Tu veux savoir si ça, ça lui fera peur avant d’oser briser les derniers centimètres qui séparent vos visages.

C’est fait. Tu as complètement lâché prise lorsqu’elle te dit vouloir rester là, ce soir… cette nuit s’il le faut. C’est bête, non, de craquer pour si peu ? Mais c’est la première fois qu’une femme t’en donne plus que tu ne le demandes. C’est la première fois que ton coeur s’ouvre parce qu’on ne te repousse pas, plus ou moins doucement. Tu as tant aimé, oui, et pourtant c’est bien ta première fois aussi.

« Tu fermes les yeux, alors que les mots que tu ne peux plus contenir glissent entre tes lèvres. Tes paupières se rouvrent et tu plonges ton regard dans le sien. »

C’est ça, Finn, dis-lui que tu la veux, mais que tu n’as pas le droit. Rappelle-lui qu’il y a plus d’une dizaine d’années entre vous et que tu as aimé sa mère avant elle. Explique-lui que tu es si prêt à tout pour elle, que tu as enfermé des marcheurs pour les étudier de près. Et si après tout ça, elle ne te repousse pas elle aussi, alors tu pourras paniquer…

Et tu laisses tout ça passer à travers ton regard. Ta peur et ton envie mêlée. La chaleur de ton corps et les horreurs que tu commets. Ton amour, juste ça. Et ses mots, à ta question, te font complètement plier l’échine. Tu as beau vouloir jouer au plus fort avec elle, tu ne maîtrises plus rien.

« »

Un souffle, alors que ta main en bas de son dos la plaque plus contre toi, comme si tu voulais lui refuser toute retraite. Tes autres doigts glissent de ses cheveux à sa gorge, en l’effleurant à peine. Et avec cette prise singulière, tu lui tiens le visage relevé vers toi. Sous tes doigts brûlants, tu sens son pouls, et quand tu te penches vers elle, c’est pour lui glisser doucement :

« »

Ton visage pourtant est si neutre que cela pourrait faire peur, si on omettait tes orbes d’obsidienne qui luisent comme une nuit d’été. Et là, sans en demander plus tes lèvres finissent par se poser sur sa peau. Son oeil droit, un baiser, son sourcil dont tu attrapes légèrement la peau de tes dents, son front, la tempe où tu t’attardes pour sentir là aussi son pouls, sa mâchoire, le coin droit de sa bouche, comme un baiser volé, sa pommette gauche, pour un baiser innocent, son nez et ton léger sourire. Et tu t’arrêtes quelques secondes, ton souffle mélanger au sien tant vos lèvres sont proches.

« »

La douleur dans ta voix est perceptible et pourtant, tu finis par approcher ton visage un peu plus. Tes lèvres caressent les siennes, sans aller plus loin, pour lui donner le temps de dire non. Et puis, tu finis ton mouvement et tu l’embrasses, chastement, mais avec l’effet d’un feu d’artifice dans ton ciboulot qui est sur le point de surchauffer.

Ses lèvres. Ton monde se résume à ses lèvres. Et au moment où tu viens les chercher, tu sens une accélération de son coeur, si forte sous tes doigts, que tu crains un instant qu’elle n’ait eu peur. Qu’elle ne cherche à te repousser, à pleurer, à te supplier de ne pas la toucher ainsi. Vraiment, pendant une moitié de seconde, tu te dis que tu as fait tout foirer. Jusqu’à ce qu’elle s’accroche encore plus fort à toi… Et que tu comprennes le sens de cette chamade.

Quand vos lèvres s’écartent, tu ne peux pas empêcher ta main de toucher son visage, de détailler chacun des détails de sa peau. Tu pourrais te damner pour ses lèvres rougies et gonflées, mais tu n’oses pas repartir en quête d’elle. Tu en as bien trop fait pour une première fois, tu te dis qu’elle n’a pas besoin que tu en demandes plus.

Sauf que c’est elle qui revient. Elle qui s’approche pour te voler un nouveau baiser, avec ce tout petit sourire qui te fait complètement fondre. Et t’es si heureux, qu’au début, tu n’entends pas les coups sur ta porte. Tu ne reviens à toi que lorsqu’elle se blottit contre toi, de surprise, et que tu entendes la voix derrière le battant.

Katlyne.

« Tu paniques. Parce que sa fille a complètement la tête d’une femme qui vient d’être embrassée et que toi-même, tu es brûlant d’envie. »

Comme dans les histoires de chevalier, tu vas protéger la princesse de sa famille qui n’acceptera pas une telle relation. Et pour reprendre tes esprits, tu t’envoies un verre d’eau glacé dans le gosier et une petite claque sur les joues avant de traverser le salon vers Katlyne.

« »

Et c’est le cas. Tu ouvres ta porte avant qu’une nouvelle salve de coups ne retentisse avec une vigueur prête à faire voler en éclat le bois du battant. Et le visage de la femme qui t’a tant chamboulé pendant des années apparaît, avec une inquiétude qui te perce de part en part. Sur le coup, sans réfléchir, tu fais ce que tu as toujours fait. Tu t’avances d’un pas et tu l’attires dans tes bras. Comme un ami de coeur vous rassure, tu le sais.

« Tu te recules et sans réfléchir, ta main vient remettre ses cheveux en bataille derrière son oreille. »

Et tu l’invites chez toi en sachant pertinemment que tu vas subir la 3e Guerre Mondiale d’ici peu.