don't be affraid. (kanaan)

Tu n’as jamais prononcé ces mots. Jamais de ta vie. C’est la toute première qu’ils passent la barrière de tes lèvres et franchement … c’est si libérateur, ça te fait un bien fou, de le lui dire. C’est là depuis si longtemps, et pendant un bien trop long moment sans doute, tu as pensé que tu ne pourrais jamais le lui dire, que ce serait comme ça, pour toujours, parce que ces mots lui étaient réservés. Tu n’as jamais aimé que lui. Tu n’aimeras jamais que lui. C’est comme ça, tu le sais parfaitement.

Et tu es si bien, là où tu es. Au creux de ses bras, tu te sens à ta place. C’est la tienne, oui. Tu ne l’échangerais pour rien au monde, cette chaleur, cette bulle formée par la couverture au-dessus de vous. C’est votre monde, à tous les deux, et le reste n’existe plus. L’apocalypse à disparue. Il n’y a que toi. Il n’y a que lui. Il n’y a que vous. Et tu trembles légèrement, pour ça. Lorsque ton prénom s’échappe de ses lèvres dans un soupire, lorsque son visage vient se perdre au milieu de tes cheveux, lorsque tu sens ses mains qui longent ton corps, lorsqu’il attire ton visage vers le sien. Bon sang, Saskya. Tout ça te rend complètement folle … Lorsqu’il te touche, ton corps s’enflamme. Tu ne saurais même pas l’expliquer, parce que tu n’y peux rien, c’est comme lorsque Micah avait toucher ton dos nu du bout des doigts. C’était les doigts de Kanaan. Et c’est pour cette seule et unique raison que tu t’es emballée, que tu n’as pas pu lutter.

Mais là, Saskya, c’est l’homme que tu aimes, et il est tout entier. Et ses mots te chamboulent complètement, tout comme cette proximité, la chaleur produite par vos deux corps, ou encore cette jambe qui vient te faire prisonnière.

▬ Kanaan … Souffles-tu, à ton tour, presque fiévreuse, alors que tes mains s’accrochent à lui. Tu te retiens, Saskya, tu t’empêches d’être trop vive, trop empressée, mais c’est comme si tu étais en train de te consumer de l’intérieur tant ton envie de lui te dévores.

Et tu prends le temps, le temps de le regarder encore, le temps de savourer ce moment avant de bouger, d’approcher juste encore un peu pour venir chercher ses lèvres. Et tu sais quoi ? Quand tu l’embrasses, si doucement, lorsque tes lèvres viennent caresser les siennes, tu as l’impression de les découvrir pour la toute première fois. Pourtant, tu le sais, que même s’il ne s’agissait pas réellement de Kanaan, vos lèvres se sont déjà rencontrées. Mais c’est différent. Et cette fois, tu n’es pas si avide, non, tu es tendre, tu es douce, et si tu n’es pas timide, tu ne presses rien et tu finis par t’éloigner, juste un peu, de quelques petits millimètres, comme pour lui laisser le temps, lui donner le choix.

Tu ne viendras jamais prendre les choses de façon trop pressée. Tu le sais. Tu l’as compris. Et même si tu en as envie, même si ça bouillonne à l’intérieur, tu le laisses faire, Saskya. Tu viens prendre un baiser, un baiser des plus doux. Tu calmes ta fièvre. Tu te retiens, et malgré ton incapacité à ressentir la douleur, pour le coup, tu le dire, tu contiens cette envie à t’en faire mal. Ça ne te ressemble pas, pourtant, tu n’as jamais ressenti l’envie de sentir les mains d’une personne sur ton corps… jamais, avant de le revoir. Il n’y a que lui qui te fais cet effet. Il n’y a que lui qui parvient à provoquer tout ça en toi.

Pourtant, tu patientes, tu restes là, sans bouger, sans montrer le moindre signe d’impatience alors que tes lèvres elles, brulent d’envie de retourner contre les siennes. Et il répète. Il répète à quel point il t’aime, et si tu songes à lui rendre ces quelques mots, à lui dire à quel point tu peux ressentir la même chose, il revient, il t’embrasse, doucement d’abord, et puis, tu le sens plus avide, plus passionné, tu sens cette envie de plus qui fait écho à la tienne. Tu voudrais t’accrocher à lui, pour lui faire comprendre à quel point vous êtes pile sur la même longueur d’onde à ce moment … et il recule. Il éloigne son visage, oui, mais il s’éloigne aussi, dans le lit, installant une distance entre vous que tu ne comprends pas immédiatement. Ça dure quelques longues, bien trop longues secondes avant qu’il ne revienne vers toi pour murmurer quelques mots à ton oreille. Et là, tu comprends. Parce qu’il n’y a jamais eu personne d’autre dans ta vie, que personne n’a jamais poser les mains sur toi. Et si tu es plus sûre de toi, c’est simplement parce que tu ne doutes pas, que tu sais que c’est lui que tu veux, et aussi, sans doute, parce que des deux, tu es toujours celle qui a toujours eu le moins de doute, celle qui agit, toujours. Celle qui prends ce qu’elle a envie d’obtenir.

Tu le laisses faire. Il embrasse ton oreille, et ses baisers se propagent, dans ton cou, le long de ta mâchoire, chacun d’eux te fais l’effet d’une agréable brûlure sur ta peau, à tel point que tu finis par laisser échapper un soupire d’aise qui en dit long.

▬ Ne t’arrête pas je t’en prie … Et encore une fois, tes mots ne sont qu’un souffle avant que tu ne viennes toi-même rechercher ses lèvres, te libérant un peu plus sans toutefois en faire trop, te voilà collée à lui, pleine d’envie. A l’attirer contre toi, autant que tu viens contre lui. Embrasse-moi, tu n’as pas idée de ce que ça me fait … quand tu m’embrasses.

Tu n’as pas encore complètement perdu pied. Tu le sais. Il y a encore une certaine retenue, dans tes gestes, pas comme la dernière fois où là, tu avais littéralement perdu les pédales. Il y a encore un peu de maitrise en toi, mais, pour le moment, tu n’as pas envie de t’arrêter, ou encore de l’arrêter. Tu le feras peut-être, à un moment, mais à l’heure actuelle, tu veux continuer de l’avoir et de le sentir contre toi, tu veux ses lèvres sur ta peau et par-dessus tout, tu veux continuer de ressentir, de laisser couler tout ce que tu as retenu jusqu’à présent. Tout cet amour que tu as contenu, comprimer durant tant d’années.

Et puis, tu as confiance, Saskya. Tu ne crains même pas de voir se répéter la scène de la dernière fois, parce que, la dernière fois, ça n’était pas Kanaan. Ce moment, entre lui et toi, c’est comme une évidence, et si ton corps, comme ton esprit ne sont pas forcément complètement prêts pour l’instant à aller jusqu’au bout des choses, tu sais que ça va venir, peut-être dans les minutes qui suivent, peut-être plus tard encore, mais peu importe, n’est-ce pas ? Tu te dis que maintenant, vous avez tout le temps. Et c’est pour ça que tu le laisses t’embrasser, te découvrir tout comme tu le découvre. Et subitement, sa main te pousse, tu te retrouves allongée, et avant que tu n’ais le temps de tout saisir, il est sur toi, et tu clignes des yeux, plusieurs fois. Tu as un doute, tu l’avoues, pourtant, tandis qu’il te regarde, tu n’as pas tellement de doute quand au fait que Kanaan est toujours là, qu’il s’agit bel et bien de lui. Et ça te rassures. Quand bien même il se fait brutalement plus violent, plus vif en revenant chercher tes lèvres. Si tu tiques à nouveau, ce n’est que parce que ses doigts viennent prendre place sur ta gorge. Il ne sert pas, ou du moins, tu ne le sens pas. Et puis finalement, il la retire, d’un coup, et tandis qu’il continue de t’embrasser, encore et encore, sa main glisse sous ton haut, ses doigts atteignent ta poitrine et tu te cambres sous lui.

Si tout avait commencé dans la douceur, il n’y en a à présent plus la moindre trace. Ce baiser n’est plus le même, et il va même jusqu’à mordre ta lèvre et encore une fois, si tu n’as pas mal, tu peux quand même sentir qu’il y a été assez franchement pour faire couler ton sang. Et il se redresse, au moment où tu as rouvert les yeux, surprise. Tu croises son regard, son expression et tu ouvres grand les yeux.

▬ Kanaan ? … Non. Oh que non, Saskya. Et tu le comprends bien vite, parce que, tu reconnais cette mine, ce visage, cette expression. L’envie que tu lis dans ce regard t’es familière.

Tu lèves les mains, tes doigts s’accrochent à son haut, et si tu sembles un instant te redresser, comme pour venir chercher un nouveau baiser, tu mets toutes tes forces pour le repousser sur le côté, et tu roule sur lui, pour récupérer l’avantage. Au-dessus de lui, tes mains viennent s’appuyer sur ses épaules pour le plaquer contre le matelas, et le regard que tu lui lances est à la fois empli d’un reste de désir, de colère, et de déception.

▬ Micah. Lâches-tu, simplement. Pourquoi tu … retournes d’où tu viens ! C’est pas toi que je veux. DÉGAGE !

Et pourtant … le fait que tu ne parviens pas à lâcher son regard, ni même à fuir.

Tu as un problème Saskya. Un gros problème. Kanaan se pense fou, il te l’a dit, tu t’en souviens parfaitement, parce que, tu sais que ce n’est pas vrai, maintenant, que ce n’est pas de la folie, qu’il ignore tout simplement ce qui peut bien se passer en lui et que toi, tu n’es pas celle qui sera en mesure de le lui expliquer au mieux. Mais toi … toi, peut-être que tu l’es, folle. Parce qu’en ce qui te concerne, il n’y a aucune explication logique à ton comportement étrange.

Tu aimes Kanaan. C’est comme ça, cet amour, il est comme une évidence, il est écrit en toi, non, il est même gravé en toi. C’est ton âme sœur, tu es persuadée de cela depuis des années, c’est ton explication. C’est votre lien. Celui qui a toujours été plus fort et plus important que tout le reste. Au début, c’était un amour enfantin, basé sur l’affection sincère, le désir de protection. Si Kanaan avait besoin de toi, l’inverse était valable aussi. C’est la vie qui vous a réunis, tous les deux, ensemble dans cet orphelinat à lutter contre la solitude, le passé, contre le reste du monde, même. Et puis, aujourd’hui, l’amour était toujours présent, plus fort sans doute, et bien différent. L’amour des adultes, l’affection toujours présente, le besoin de l’autre aussi, évidemment, mais à tout ça, était venu se greffer le désir, l’envie. Parce que oui, tu le voulais, et il n’avait fallu que de son contact, de ses caresses et de ses baisers pour te rendre folle de ce désir. Oui. Mais voilà. Si tu avais changé, Kanaan aussi. Tout avait changé, et vos problèmes n’étaient plus les mêmes. Aujourd’hui, pour avoir Kanaan, il te fallait faire avec les deux autres personnalités que contenait ce corps. Ce corps auquel le tiens ne cessait de réagir.

Fahim était doux. Vos contacts avaient toujours été brefs, jusqu’ici, des échanges relativement limités, et surtout, calmes. Des discussions. Des explications. Il était compréhensif, et tu savais que si tu n’avais que lui à accepter, tout aurait été facile. Mais voilà … ça n’était pas le cas, et là était le principal problème. Parce que Micah, lui, ne semblait pas décidé à te faciliter la tâche. Il était différent, et le pire, dans tout cela, c’était qu’il était à l’image de ce que tu étais devenue toi … Cette lutte constante entre vous deux, cette violence qui ne cessait de se manifester, jusqu’à la manière qu’il avait de te toucher. Tu ne pouvais pas le nier, lorsqu’il se dressait sur ton chemin, tu ressentais quelque chose de puissant, là, au creux de ton estomac, ça faisait palpiter ton cœur d’une drôle de façon et surtout, ça enflammait ton corps. Et ça, Saskya, c’était aussi agréable que dérangeant, voir douloureux.

Cette colère qu’il manifeste, en réaction à tes mots … ça te fais quelque chose. Et tu es si surprise, que tu n’oses plus vraiment bouger. Il se redresse, tant bien que mal, il vient jusqu’à se saisir de ton visage, et tu trembles entre ses mains, si bien que tu ne lui réponds même pas. Après tout, en as-tu réellement besoin, Saskya ? Qui était à sa place … qui était là, avec toi, avant qu’il n’apparaisse brutalement pour une obscure raison. La réponse était évidente.

▬ M’avoir … ? Un souffle, un murmure. Tu as ouvert les yeux, un peu plus grands, parce que tu es surprise par ses mots. Pour toi, Micah te déteste. Il ne veut que t’éloigner, et pourtant … Lâche moi !

Ça te fait peur, n’est-ce pas, Saskya ? Toi qui es si forte. Toi qui n’as peur de rien, habituellement. Ce soir, Micah t’effraies. Et ce n’est pas réellement l’homme que tu crains, parce qu’aussi fort soit-il, et aussi mauvais caractère possède-t-il, tu sais que tu peux gérer ça. Ce que tu ne maîtrises pas, en revanche, c’est ce que ses mots viennent de provoquer en toi, ce que tu comprends de tout ça. C’est cette presque envie de céder, qui se trouve là, quelque part en toi. Alors tu le repousses, tu te débats, tu t’éloignes tant que bien que mal, parce que, c’est tout qu’il te faut maintenant, il faut à tout prix que tu prennes tes distances avec lui.

▬ Je sais pas ce qui te prends, mais je te l’ai dit, Micah, je ne joue pas.

De ta faute ? Franchement, pourquoi est-ce que ce serait de ta faute, à toi ? Tu n’as rien fait de mal. Pas cette fois. Il te ment. C’est ça, oui, Micah se joue de toi, encore et encore, il cherche à te faire, à te blesser, tu peux comprendre Kanaan, tu peux essayer de comprendre Fahim, mais Micah reste un gouffre sans fin empli de mystères, de zones d’ombre. De ténèbres. Entre son attitude envers toi, et ses mots, il y a ce fossé qui te parait immense et infranchissable. Tu t’es résignée, face à lui, Saskya. Ça n’arrive jamais, normalement, parce que tu es du genre entêté, parce que tu ne laisses rien ni personne te dicter ta conduite mais … Là, c’est différent. Inexplicable, aussi. Effrayant.

Et tu agites la tête, vivement, pour exprimer ton désaccord. Il s’est éloigné de toi, et ça enlève comme un poids qui pesait si lourd dans ta poitrine, si bien que tu sembles reprendre un peu du poil de la bête en te redressant légèrement. Tu devrais être abattue. Sa présence, son intervention vient de gâcher quelque chose dont tu avais envie – du moins tu le penses –, et puis, tu es blessée. Gravement. Pourtant, tu as encore la force de lutter. C’est comme si te résigner maintenant allait te mener droit en enfer, comme s’il était littéralement vital que tu continues à t’opposer à Micah, à lui tenir tête. « Moi je t’appelle ? C’est toi qui as un problème, c’est toi qui te sens obligé de venir mettre ton grain de sel quand j’essaie d’approcher Kanaan ! » A l’évidence, vous n’aviez pas du tout le même ressenti sur les choses. Chacun se renvoyait la balle, persuadé d’avoir la vérité entre les mains. Après tout, Saskya, tout ce qu’il racontait, c’était des mensonges, n’est-ce pas ? Oui. Il délirait complètement, parce que, tu ne pouvais pas te sentir attiré par un homme tel que lui. Aussi violent que tu l’es. Aussi amère que toi.

Tu souffles. Lourdement. Ce que tu peux en avoir marre, vraiment. Kanaan était de retour, et pourtant, il y avait maintenant entre lui et toi un mur solide … un mur qui se tenait encore une fois face à toi, s’agitant, ruminant avant de finalement s’éloigner, pour mieux revenir à toi de façon toujours si brutale et inattendue. Ses lèvres reviennent s’emparer des tiennes, encore l’un de ces baisers affamés qui dure quelques longues secondes, et qui te laisses sans voix, à bout de souffle, la peau en feu et les yeux brillants comme si tu étais fiévreuse. Tu ne trouves même pas la force de lui répondre, tu restes immobile, ton corps soulevé régulièrement de ta respiration trop bruyante. Il était en train de te faire perdre pied, littéralement, et le pire, c’est qu’il est si proche de toi, que son regard est si perçant, si intense, à ce moment, que tu ressens en toi l’envie brûlante, dévorante de lui donner raison.

Mais tu ne peux pas. Et tu ne sais pas vraiment ce qui te pousses à agir pour repousser tes envies, ton désir, mais lorsque ta main se lève, c’est pour venir brutalement frapper son bras et décrocher ses doigts de ton menton. Juste après ça, tu le pousses, tu l’éloignes de toi, tu bondis du lit pour te tirer de là et tu bondis sur tes jambes. « Arrête ça. » C’est un ordre, mais qui à ton goût, manque cruellement de conviction et franchement, cette simple constatation vient provoquer une grimace de dégoût qui passe sur ton visage. Ce n’est pas lui qui te dégoûte cependant … non, en ce qui le concerne, c’est même tout l’inverse. Tu te dégoûtes toi-même, Saskya, parce que même si physiquement, il s’agit de la même personne, tu as l’impression de jongler entre deux hommes au niveau de tes désirs et ça, ça ne te ressemble en rien. « Reste loin Micah … ne t’approche plus. » Et tu recules, pas à pas, doucement, la main tendue devant toi, comme pour anticiper un mouvement de sa part, ou être prête à le repousser le moment venu.