La plus belle de toutes les fleurs est la fleur de la liberté. - Ft Aedan

« Pas grand-chose, ce n’est pas grave ; l’important c’est qu’il y ait au moins une chose ! Tu relèves les yeux vers lui, toute excitée à l’idée de savoir maintenant quoi lui préparer. Je m’en souviendrai ! Tu verras, notre prochain repas sera mémorable. »

Et t’es mignonne, Kaelyne, parce que tu ne sais pas encore à quel point celui de ce jour va l’être. Ou ce qu’il va se passer avant. Parce que oui, tu as préparé le pique-nique, tu comptes bien le prendre, dehors, et avec Aedan de surcroît, ça tu ne lâcheras pas le morceau ! Alors oui, tu ne sais rien, tu n’as jamais rien sû. Et c’est en souriant, pleine de vie et d’amour que tu découvres la plante et que tu t’extasies dessus. Tu ne le vois pas arriver en faite.

Pourtant quand Aedan t’attrape de ses deux mains et te ramène à la verticale, à sa hauteur, tu as un instant de panique. Et tes yeux se détournent de son visage pour chercher la présence du marcheur qui l’a fait agir aussi soudainement. Vraiment, t’y crois, à l’attaque d’une de ces créatures, comme si cette satanée journée était sous le signe des attaques de marcheurs et de votre survie.

Sauf que non. Parce que la chaleur des lèvres d’Aedan ramène aussi sec tes yeux sur lui. Et si ces derniers s’ouvrent encore plus grand, ton corps lui se fige, se tend, comme si tu t’attendais à ce qu’il te repousse brusquement. Mais non, rien. Il t’embrasse. Il t’embrasse vraiment, pas comme ce baiser volé de tout à l’heure.

Il t’embrasse !

Et un instant, tu réponds à son avidité en nouant tes bras autour de sa nuque. Tu l’attires vers toi, et tu le sais, Kaelyne, tu voudrais te fondre en lui. Tu voudrais que tout son corps te touche et te protèges. Et cette sensation te fait si peur… Parce que tu ne veux pas dépendre à ce point de quelqu’un, tu as vu la souffrance que ça a causée à ton père après la mort de ta mère. Et là, la panique prend le dessus.

SPLAF

Tu ne le vois même pas partir, mais ta main s’écarte de lui, de vous, et d’un seul coup, elle revient sur sa joue, en plein fouet. Le bruit te surprend et tu recules d’un coup, à bout de souffle. Tes joues sont cramoisies alors que tes yeux brillent de mille feux. Et là, clairement, jeune fille, tu as l’air encore plus vivante qu’avant. Comme une furie, une déesse de la guerre, de la vie, de l’amour. C’est à peine ses tes cheveux ne se gonflent pas sur ta tête.

« Ne te joue pas de moi, Aedan ! »

Ton ton est si aigu, que ça t’en fait mal aux oreilles, alors que tu recules encore d’un pas en tenant ta main qui l’a giflé comme si tu avais commis là le péché ultime. Plus que de l’avoir embrassé. Plus que de désobéir sans cesse à ton père. Ta bouche se met à trembler, alors que tu prends conscience de ce que tu as fait et plutôt que de pleurer, devant lui, tu ériges brusquement un mur autour de toi, et tu le fermes en croisant tes bras sur ta poitrine, comme si tu voulais te protéger de quelque chose.

« Tout à l’heure c’était pour me faire taire, maintenant c’est pour te moquer ? Un baiser ce n’est pas rien et je ne veux pas trahir le concept d’amour en me laissant berner parce que je suis une idiote de gamine. Tes yeux se braquent sur le sol, alors que le tremblement de ta bouche se transmet au reste de ton corps. Je n’aurai pas du lever la main sur toi… pour ça, je te présente mes excuses. »

HARLEY-

Plus jamais. Ce “plus jamais” résonne à tes oreilles encore et encore et à chaque fois qu’il se répercute dans un coin de ta petite tête vide, il prend un air encore plus sombre. Et tu le sais, Kaelyne, quand tu entends Aedan te répondre ça, que tu viens de briser quelque chose en lui… Que ce quelque chose que tu blesses se répercutera sur ce ‘vous’ qui t’a fait si peur à l’instant et, pire que tout, que tu regrettes déjà ton geste.

C’est quand on perd quelque chose qu’on se rend compte qu’on y tenait tant.

Cette phrase prend une partie de son sens maintenant, alors que tu le vois s’éteindre, mourir sous tes yeux. Tu te figes, et les bras encore plus serrés sur ta poitrine, tu cherches une solution. Pourtant, à 19 ans, sans aucune expérience dans les choses de l’amour, tu ne risques pas de trouver une idée révolutionnaire. Alors, tu te ratatines un peu plus sur toi-même, toujours sans pouvoir le regarder et tu murmures :

« Rentre, je me débrouillerai. »

C’est une manière de fuir la douleur qui pulse en toi, celle qui jaillit d’Aedan, la honte d’avoir agi, la peur si tu ne l’avais pas fait. C’est sûrement une manière de le provoquer, de le forcer à rester, à dialoguer avec toi, même si cette partie-là est bien plus inconsciente que consciente.

Et il se met en marche et toi, petite fleur, tu y crois pendant un instant. Qu’il va venir vers toi, que tout sera comme avant. C’est ridicule et tu sais cet espoir mort dans l’oeuf et, pourtant, tu t’y raccroches comme la gamine que tu es. Ce n’est que lorsqu’il te dépasse, pour se mettre en marche que tu sens la douleur s’ouvrir en toi. Le sanglot qui te secoue, d’ailleurs, est violent et soudain. Il t’arrache un bruit étouffé, le temps que tu le retiennes en toi et tu restes là, à serrer encore plus fort tes bras sur ta poitrine, comme pour contenir le vide douleur qui te ronge la poitrine, tout à coup.

« Je suis désolée… Tu murmures, d’une voix rendue difficile par la douleur et l’angoisse. Je ne voulais pas te faire souffrir. »

Et tu le sais, que ça n’a aucun sens. Que tu viens certainement de tuer son renouveau d’espoir et de lumière maintenant, simplement et purement, mais tu ne pouvais pas faire autrement. Tu ne voulais pas le voir aussi triste et déchiré que ton père. Aedan mérite mieux que toi et cette vie que tu lui offrirais… C’est ce que tu as décidé, Kaelyne.

Et à l’image de ton père, tu ravales tes larmes, ta fierté, ta douleur, tout. Ton visage devient un écran mort, et, sans relever les yeux vers lui, tu fais brusquement demi-tour, pour le rejoindre. Tes mains lâchées de chaque côté de ton corps, tu finis par murmurer ce qu’il a certainement toujours voulu entendre :

« Finis les bêtises de petite fille, je rentre avec toi. Mon père a assez souffert. »

Et tu te tais, simplement prête à le suivre sans opposer aucune défiance, en te répétant, encore et encore, que c’est pour ton fabuleux papa. Aujourd’hui, Kaelyne, tu acceptes finalement de ne plus être égoïste parce que tu as sacrifié autre chose… Ton coeur, certainement.

HARLEY-