Déguisé en être humain pour un semblant d'humanité | Theresa

Son visage dur semble impassible. Pourtant, son sourcil gauche est relevé face à la personne qui se trouve devant lui. « As-tu seulement vu ta tête dans un miroir récemment Gamine ? » La première parole échangée depuis leur dernière rencontre. Alors que Gareth tient la porte de son appartement pour laisser la rousse entrer, il se demande par où elle a bien pu passer cette fois. Avant de la détailler avec insistance. Elle a une sale tronche, une démarche faiblarde et elle n'inspire rien de moins que de l'épuisement. De la faiblesse. Les sourcils du plus vieux se froncent. Allons bon. Qu'est-ce que c'était cette fois ? « Raconte. » Le ton ne laisse place à aucune négociation. Et d'un mouvement de tête, il l'invite à entrer. Vérifiant tout de même que personne n'a vu la demoiselle entrer chez lui. Moins il sera sujet aux ragots, mieux il se portera. Ou pas. Son esprit dérive quelques secondes devant une possibilité de faire regretter leur curiosité aux voisins avant de se rappeler qui étaient justement les voisins en question.

Une fois la porte refermée sur son logement. Le brun se retourne et croise les bras. Attendant que la gamine se décide à prendre la parole. Jetant un coup d’œil à la table sur laquelle se trouvait son sniper qu'il nettoyait minutieusement. Même s'il n'a presque plus de munitions, il persiste à lustrer son arme. Souvent. Presque quotidiennement. Un tic d'un autre temps qu'il a gardé. La démontant et remontant à chaque fois. Coupé en pleine activité, l'arme se retrouve donc éventrée sur la table. Il invite d'un mouvement de tête son invitée à prendre place. Pendant que lui-même termine sa tâche. Minutieusement. Avec des gestes sûrs. Emprunt d'une habitude qui ne se perdra jamais.

Rien de nouveau sous le soleil. Gareth se retiendra pourtant de lui en faire la remarque. Bien sûr que cette vie est merdique. Il n'y a plus assez d'alcool en circulation pour se permettre de se prendre une murge toutes les semaines en riant fort. Ni même pour prendre une bière en rentrant du boulot le soir. Theresa a définitivement raison sur ce point. C'est la merde.

Une lueur d'amusement passe tout de même dans les yeux noirs. Surtout quand il voit la fillette s'énerver pour lui semble-t-il pas grand chose. Ses mains empruntes de gestes fluides poursuivent leur labeur. Nettoyant le canon, la lunette de viser, le percuteur, tout y passe.

Alors qu'il remonte tranquillement l'arme, pièce par pièce, la rousse lui tend l'un des ressorts se situant près du canon. Commençant par la même son récit. Gareth n'est pas homme à exiger des explications. Elles viennent toujours d'elles-mêmes. Menace implicite ou charisme imposant, il ne sait pas trop. Probablement un mélange des deux. Il a vaguement envie de la vanner en lui disant qu'il a toujours raison. Pourtant, il se contente de poursuivre sa tâche. Attendant que sa gamine termine de vider son sac. Parce qu'il le sent, elle a besoin de parler. Et tant qu'elle ne l'aura pas fait, tout ce qu'il lui dira entrera dans l'oreille d'un sourd. Ce n'est pas pour autant que Gareth jouera le psychologue de comptoir.

Ses sourcils se froncent quand il entend le bruit que fait la rousse en cognant la table. Il se fiche de ce point, mais le mouvement fait trembler son arme et certaines pièces qui n'étaient pas emboîtées sont désaxées. S'il continue ainsi, il finira avec un engrenage rouillé dans les rouages. Il repose ce qu'il tient dans les mains avant de poser son regard sur son invitée. « Sortir signifie risquer sa vie. » Un des premiers enseignements que Gareth lui a inculqué. Martelant ces mots jusqu'à ce qu'ils sortent avec un automatisme effrayant. « Sortir du district avec quelqu'un revient ni plus ni moins à dire que tu lui confies ta vie. » Il ne le dit pas pour jouer les moralisateurs. Juste pour rappeler à la demoiselle ici présente, qu'elle connaissait les risques. Bosser seul les réduit. De cette manière, le cerveau sait qu'il ne peut compter que sur lui-même. Ne perdra pas du temps à analyser la situation d'un potentiel coéquipier. Ou pire, d'un boulet. « Si tu veux vraiment aller dehors avec quelqu'un, prends-en un qui vient du pack. T'auras probablement moins de déconvenues. » La meute. Les mercenaires. Ils ne sont pas irréprochables, loin de là. Leur avantage, c'est la discipline que Gareth exige d'eux.

Depuis quand quelque chose de profondément bon peut-être tiré du merdier dans lequel ils se trouvent ? « L'espoir. » La gamine espère bien trop pour ne pas finir déçue.  

Voir sa gamine s'énerver, ne lui fait ni chaud ni froid. Il a des années d'expérience à subir les aléas des émotions de la rousse. À la laisser extérioriser son trop-plein de sentiments avant de calmement lui démontrer point par point qu'elle est en tort. Ou qu'elle se laisse dominer par ses émotions. Alors encore une fois, il la laisse parler. Critiquer. Ne pas comprendre aussi. Rougir à une des phrases qu'elle a dite. Tentant de se cacher pour ne pas le lui montrer. Comme n'importe quelle gamine le ferait. Comme si elle en avait honte. Puis lui poser des questions. Sur l'espoir. Sur l'amour. Attendant visiblement une réponse. Alors seulement à cet instant, une fois qu'elle a terminé, Gareth va lui décortiquer point par point tout ce qu'elle lui a dit. Peu importe l'ordre.

Il repose ce qu'il a entre les mains pour les croiser sur la table. Un moyen de montrer qu'à l'instant présent, il n'y a pas plus sérieux que lui. Et qu'il est particulièrement concentré sur la conversation. « Je n'ai jamais dit que tu ne pouvais pas te débrouiller seule. » Le ton semble tranchant. Pour rappeler à l'impertinente qu'il n'est pas les autres. Surtout qu'elle sait très bien que s'il la jugeait incapable de s'en sortir seule, elle ne quitterait pas l'appartement. Comme ça été le cas au début. Qu'elle ne franchirait pas les portes de la ville. Qu'il en viendrait à la force pour la garder ici. Il ne s'est jamais caché de ce fait. Le mercenaire ne perdrait pas son temps pour un gosse qui ne sait pas obéir.

Toujours les yeux fixés sur elle, il poursuit. « Que tu le veuilles ou non, ton partenaire se souciera toujours de ta survie. Non pas parce que t'es une femme. » Serait-ce la première fois qu'il lui accorde ce statut ? Après tout, elle sera toujours sa gamine. Même à soixante piges. « Mais parce que c'est le propre de l'humain. Peu importe l'excuse qu'il se donne. » Il explicite tout de même ses propos. « Que ce soit pour sa propre survie, certains le feront parce que tu es une femme, d'autres parce que leur conscience les empêche d'être nombrilistes. » Gareth hausse les épaules. « C'est le propre de l'humain, tu ne peux rien y faire. Si tu ne veux confier ta vie à personne, agis seule. Et si tu ne peux pas dire non, ne t'en plains pas. Assume. »

Ce n'est pas l'envie de lui passer un savon qui lui manque. Sauf que l'ancien soldat sait se montrer juste et ne pas volontairement mettre son élève plus bas que terre. « L'espoir est traître. Je préfère ne pas flirter avec. » Ne compter que sur ses propres capacités.

Il reste un point sur lequel il n'a donné aucune réponse. Parce qu'il s'est promis de ne jamais y repenser. Parce qu'il a fait son deuil. Parce qu'il ne veut pas avoir à y repenser. Il s'est débarrassé de son alliance dans cette optique. Pourtant, son doigt passe traîtreusement sur son annulaire... Mais il n'a pas envie d'en parler.

Et il hoche la tête. Ne pouvant qu'approuver les dires de la fillette. Aujourd'hui, rien n'est plus important que survivre. Gareth ne doit pas totalement être étranger à la façon de voir de la gamine. Après tout, il l'a formé et éduqué pendant la deuxième partie de sa vie. Après que la douceur ait fait place à la haine. « Sauf que la survie de chacun dépend bien plus souvent qu'on ne le pense de la survie collective. » Le voilà devenu philosophe à ses heures perdues. Absolument pas. Ça reste tout de même l'impression qu'il donne. « C'est plus facile ainsi. Quand tu n'as pas à gérer toute seule de ton approvisionnement en nourriture, en eau, en armes et que tu n'as pas à surveiller sans cesse les alentours. » Gareth sait parfaitement qu'elle est au courant de tout ceci. Ça ne l'empêche pas de le redire. Il ne tient pas spécialement à la contredire, juste à lui rappeler que pour survivre seule comme elle le dit, elle a besoin de chacun.

La question le surprend autant qu'il s'en doutait. La gamine a une façon très propre d'être prévisible et à la fois surprenante. Toutefois, le militaire prend le temps de la réflexion. Le ferait-il ? Aujourd'hui, probablement que oui. Il a perdu trop d'hommes dernièrement pour ne pas sauver la peau de ceux qui restent. De plus, il a investi un temps non-négligeable et de sa personne pour former et éduquer la gamine comme il le désirait. Pour cette raison non plus, il ne la laisserait pas mourir. Et c'est ainsi qu'il le lui dit après de longues secondes à peser le pour et le contre. « Je ne te laisserai probablement pas mourir. » Sauf que d'un autre côté, elle lui a demandé s'il ferait passer sa survie à elle avant la sienne. À l'époque où il était un soldat obéissant à son pays, il n'aurait jamais hésité à sauver un innocent au péril de sa propre vie. Ce n'est plus le cas de nos jours. Et puis la rousse n'a rien d'une innocente à ses yeux. « Tu n'es pas encore capable d'en porter le fardeau qui t'incomberait. » À cet instant, Gareth se montre diablement sérieux. Ses yeux noirs perçant la gamine pour lire à travers elle. Pesant de toute sa corpulence sur la fragilité dont elle fait preuve en cet instant. Non. Elle n'est clairement pas prête à assumer les conséquences d'un tel acte. « Si on partait demain, non, ta survie ne passerait pas avant la mienne. » C'est tellement cruel de le dire ainsi. Après tout, c'est l'enfant qu'il a recueilli et élevé. Comment peut-il parler ainsi ? Avec tant de cruauté... Tellement vrai également. Et tellement porteur d'espoir pour ceux qui savent décrypter le sous-texte. Sauf qu'il ne flirtera pas avec avant encore un certain temps. Plusieurs années probablement. L'espoir n'est pas à l'ordre du jour.

Un sourcil se hausse. « Je peux éliminer la source de cet espoir. » Qu'elle ne s'y trompe pas. Gareth parle totalement de se débarrasser de la personne qui provoque un tel sentiment chez sa gamine. Un sentiment qui d'après elle la rend faible. Ce qui n'a rien de faux. Mais qui n'est pas non plus totalement vrai.

Son sourcil se hausse face à la petite crise que lui fait sa gamine. N'a-t-elle pas passé la crise d'adolescence depuis le temps ? Il faut croire que non. Doit-il la punir comme les enfants désobéissants en lui donnant une fessée ? Qui sait. Pourtant, Gareth ne s'énerve pas. Premièrement, ça ne servirait à rien d'envenimer la situation et de terminer en conflit. Deuxièmement, parce qu'il est parfaitement au courant qu'elle sait très bien qu'il a raison. Troisièmement, il n'a pas envie de gaspiller sa salive pour rentrer dans le jeu de sa gamine. Quatrièmement, depuis quand fait-il des listings dans sa tête ? Surtout, qu'il n'a pas besoin de s'énerver pour faire courber l'échine de la rousse. Il lui suffit de voir comment elle fuit son regard pour le savoir. Le brun pourrait la forcer à le regarder. Droit dans les yeux. Pour lui asséner une réflexion sur son impertinence. Pour la briser. Mais à quoi bon ? Il n'est pas sa mère. Si elle veut foncer dans le mur tout en sachant pertinemment ce qui va lui arriver. Qu'elle le fasse. Lui sera toujours là quand elle voudra réparer les morceaux et lambeaux de sa personne. Elle sera seule à se reconstruire parce qu'elle a choisi d'être seule à foncer tête baissée dans une impasse. Parce qu'il est suffisamment cruel pour la forcer à en assumer toutes les conséquences sans bouger le petit doigt. Avec lui pour unique spectateur. Parce que si la gamine poursuit dans cette voie, il tient tout de même à voir comment elle va terminer. Mal. Simple curiosité.

L'attitude de Gareth se fait plus détendue quand elle lui dit de ne pas la faire passer avant lui. L'ignorante. L'incohérente. Ne se rend-elle pas compte que bien qu'elle veuille survivre seule, elle tend elle-même l'arme pour se faire tuer. Survivre seule, signifie piétiner les autres. Survivre à leur dépens. Prendre cruellement leur vie pour assurer sa propre survie. Et elle n'est pas prête à ça sa gamine. Tellement pas. Alors Gareth ne le lui dira pas. Pas encore. Il ne sera pas celui qui provoquera la rupture.

Il savait parfaitement qu'elle ne comprendrait pas. C'est également pour ça qu'il lui a confié la vérité. La forçant à réfléchir par ses propres moyens. L'obligeant à comprendre pour avancer. À se triturer les méninges jusqu'à la folie s'il le faut. Et lorsqu'elle comprendra, qu'elle mettra le doigt sur cette terrible vérité, là, elle sera prête à l'entendre. Probablement pas à l'accepter cependant.

Ah. Enfin, elle relève la tête. À croire que sa dernière proposition à fait mouche. Si elle lui demande confirmation, il ne s'embêtera pas à expliciter ses dires. La rousse le connaît suffisamment pour interpréter correctement. Il le sait. Elle le sait. Pourtant, Gareth se sent obligé de remettre sa gamine sur le droit chemin alors qu'elle fait fausse route. « Tu te trompes. » Ses yeux, plongés dans ceux, verts si foncés à cet instant, il poursuit. « Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. » Pourtant, il pourrait profiter de ce quiproquo pour éliminer cette source d'espoir qui naît dans le cœur de sa gamine. Pour la formater à son image. Sauf que ce n'est définitivement pas ce qu'il veut. Il n'a pas besoin d'une simple copie. « Si toi, » Il insiste particulièrement sur le toi. « tu juges que l'espoir te rend faible. Alors là, je le ferai. » Sans aucun regret.

Elle peut bien choisir de vouloir croire en cet espoir qu'elle est en train de voir naître en elle. Elle en a totalement le droit. Qu'elle ne vienne pas se plaindre d'être incapable de survivre seule par la suite. « Soit juste cohérente avec toi-même. » Puis il s'appuie sur le dossier de sa chaise. Croisant les bras. La suite ne dépend pas de lui. C'est à sa gamine de démêler le nœud en elle.

Toujours appuyé contre le dossier avec les bras croisés, Gareth écoute sa gosse marmonner. Il prend un petit rictus amusé en fixant ses yeux noirs dans le regard de la rousse. « Veux-tu le jouer à pile ou face ? » Il se permet de jouer de l'attitude de sa gamine avec tellement de facilité. C'en serait déconcertant pour quelqu'un qui ne connaît pas leur relation. La manière de fonctionner de Gareth ne peut pas toujours être qualifiée de juste et tendre. Loin de là. Il la prépare juste au pire. Depuis le début. À survivre. Tout simplement.

La violence du coup portée à la table fait sauter l'arme qui se trouve toujours dessus. Les pièces qui ne sont toujours pas montées également. Certaines tombent même parterre. Sont-elles abîmées ? Il ne sait pas. Gareth ne va même pas chercher à les ramasser. Pour l'instant, il ne quitte pas sa gamine des yeux. Il n'a pas bougé d'un poil, n'a pas sursauté. Ses yeux s’étrécissent alors qu'un sourire envahit ses lèvres. Pas tendre. Ni amicale. Encore moins rassurant. Le sourire du chat devant la souris qu'il tient entre ses pattes. S'apprêtant à la manger toute crue. La rayer de la surface de la terre. Se rassasier de la chair entre ses crocs. Il ne détourne toujours pas le regard. Fixant sa gamine sous un œil nouveau. Elle est dans un état si piteux. Pourtant, sa colère la rend belle. À cet instant, il est fier de sa gamine. Néanmoins, quand elle lui hurle ces mots au visage, il décroise ses bras lentement. Rendant l'appréhension totale. « Je t'en prie. » Son bras droit lui indique la porte. « Si mes 'conneries' te dérangent tant, je ne te retiens pas. » À l'instant, où le mot conneries sort de sa bouche, le ton sarcastique et moqueur prend place. Mais le sourire à quitter son visage.

Il pourrait rentrer dans son jeu en choisissant d'opposer la colère à la colère. Sauf que Gareth n'est pas colérique enflammé. Il applique le principe de la colère froide. Celle qui fait peur parce qu'elle reste sous-jacente et n'explose jamais. Or que là, il ne l'est même pas. Parce qu'il voit si clairement en elle. La rousse le menace de partir alors qu'elle campe solidement sur ses appuis pour ne pas bouger d'un iota.

Avant qu'elle n'esquisse le moindre mouvement, Gareth se relève. Tout en souplesse et en force. Imposant sa présence à tous. Il avance jusqu'à sa gamine, un poil menaçant, levant la main pour lui saisir durement la nuque. La tenant fermement, pour l'empêcher de se reculer. Et alors qu'il approche ses lèvres de son oreille, il la sent se tendre. « Theresa. » Le nombre de fois où il a prononcé le prénom de sa gamine se compte sur les doigts d'une main. Voilà de quoi annoncer la couleur. Sa voix reste calme et peu élevée. Maîtrisée. « Tu as une sale tête. » Et dans son esprit, il se fend la poire en sachant pertinemment que sa gamine devait s'attendre à tout sauf à ça. D'un geste sûr, mais en rien douloureux, il force sa gamine à poser sa tête contre son torse. « Va te reposer. » Gareth ne lui en veut pas de sa crise. Par le passé, lui aussi a été perdu, déchiré entre plusieurs choix qui s'offraient à lui.

Pendant tout le temps que Gareth tient sa gamine contre lui, il ne bronche pas. La laissant évacuer sa colère de ne pas le voir répliquer. Il sait très bien, qu'elle voudrait qu'il rentre dans son jeu. Mais il a passé l'âge des petites brouilles entre ados. Ne voulant pas laisser la haine interférer dans leur relation. Le brun préfère la laisser extérioriser tout ce qu'elle a en elle. Prêtant une oreille attentive à ce qu'elle souhaite lui partager. Aiguillant son chemin si elle le désire. Mais n'intervenant pas comme elle le désire tant. Il le sait. C'est probablement ce fait, qui fait de lui un si bon mentor. De son point de vue du moins. Sauf qu'il peut se targuer de voir sa gamine toujours en vie. Et toujours proche de lui. À portée de main. Si elle ne l'a pas renié, c'est qu'elle aussi elle le sait.

S'il choisit délibérément de ne pas répondre à toutes ces questions, c'est parce qu'il sait très bien qu'elle n'apprécierait pas la réponse sur le moment. Et il n'a pas envie de perdre du temps et de la salive pour un fait qui ne sera pas écouté. Qui ne veut pas être écouté. Parce que c'est exactement de ça dont il s'agit. Sa gamine ne veut pas l'entendre lui répondre. Que ce soit la vérité ou non. Il le sait. Il la connaît. Ce n'est pas l'heure pour lui de donner des leçons de vie.

Quand sa gosse commence à abattre son poing contre son torse, il sait qu'ils en arrivent vers la fin. Que c'est le dernier argument de la rousse avant qu'elle ne craque et ne lui avoue ce qu'elle a sur le cœur. Et ça encore, il la laisse faire. Ce n'est pas comme si elle lui faisait mal. Ce n'est pas comme si elle cherchait à lui faire mal. Elle s'y serait prise autrement. Alors que ses poings le martèlent toujours, Gareth sent qu'elle s'agrippe à lui cette fois. Froissant le tissu de sa chemise. À cet instant, seulement, la main qu'il maintient toujours dans le cou de la miss glisse pour passer dans la chevelure de cette dernière. S'adoucissant pour passer de contrainte à caresse. Alors seulement, il lui offre une parole. « Je sais. » Il ne pouvait en être autrement. Après tout ce qu'elle lui a confié depuis qu'elle est entrée, le mercenaire savait pertinemment qu'ils en arriveraient là. C'est précisément ce qu'elle avait sur le cœur. D'après lui du moins. La solitude. Tout le monde ne peut pas vivre avec toute une vie.

Et parce qu'il sait que cette simple parole peut raviver le feu de la colère en elle, il lui en offre une autre. Une meilleure. Une qui devrait pouvoir l'aider à s'apaiser. « Ce n'est pas grave. » Il le pense. C'est le principal pour le moment.

Alors qu'il garde sa gamine contre lui, il la sent se raccrocher encore plus à lui. Comme si elle avait peur qu'il parte. Ce qui semble légitime. Sauf que présentement, il est chez lui. Donc il n'a pas l'intention de quitter son domicile. Puis, sa gamine devrait savoir qu'elle n'a pas l'autorité pour le faire fuir. Il n'est pas lâche non plus au point d'abandonner sa gosse dans une situation délicate. Gareth sait supporter un tel fardeau. Pour soulager un peu la peine de la rousse, il reste présent. Ne cherchant pas à la fuir. Qu'elle se soulage de ce point. Il reste définitivement là. Chez lui comme pour elle.

Lorsque les larmes se mêlent aux paroles de la demoiselle, Gareth hésite sur la marche à suivre. Il se sait peu doué avec les pleurs des filles. Déjà par le passé, avant ce nouveau mode de vie, il ne savait pas gérer les sanglots. Voilà une chose qui n'a pas changé avec le temps. Aucune amélioration dans le domaine. À quoi bon de toute façon. Ce n'est pas quelque chose qu'il a envie de gérer. Il n'est pas le bureau des pleurs après tout. Pourtant, quand sa gamine commence à devenir incohérente dans ses propos et que son visage baigne de larmes, il accentue instinctivement la pression de sa main dans les cheveux roux. Montrant qu'il est toujours là. Même s'il sent les larmes de sa gamine contre sa chemise, il ne s'écarte pas d'elle. Il lui semble qu'elle a besoin de réconfort actuellement. Alors autant qu'il le peut, il va tenter de lui en apporter. Ce ne sera pas tous les jours le cas. Mais présentement, le mercenaire se sent suffisamment généreux pour accéder à ce geste. Il en sent même la nécessité. Pourtant, aucune parole ne franchit ses lèvres à cet instant. Parce que mine de rien, il se sent un poil démuni par la situation.

Gareth la sent contre son torse. Il voit que sa gamine a des loupés dans sa respiration. Il entend ses derniers mots avant qu'elle ne lâche prise. Littéralement. La poigne qu'elle exerçait sur sa chemise devient inexistante. À cet instant, la miss devient une poupée de chiffon et s'effondre. Le brun la rattrape in extrémis avant que sa tête ne se cogne violemment contre le sol. Il ne sera pas responsable d'accident domestique.

Bandant ses muscles, il la saisit pour la porter telle une princesse pour ensuite la poser délicatement sur ce qui lui sert de canapé. Essuyant du revers de ses doigts les larmes qui baignent son visage. « Alalah... Ce que tu ne me fais pas faire. » Il sait qu'elle ne peut pas l'entendre. Qu'elle s'est évanouie. Gareth ne s'inquiétera de son état que si elle ne se réveille pas d'ici le lendemain. Pour l'instant, il juge qu'elle a simplement besoin de repos. Ses doigts passent dans la chevelure folle de la plus jeune dans une nouvelle caresse tendre. Il soupire avant de se redresser.

L'homme quitte la pièce pour se rendre dans celle qu'occupait sa gamine quand elle vivait avec lui pour récupérer une couverture pour cette dernière. Une fois la demoiselle couverte, vérifiant qu'elle respire normalement dans son inconscience, il retourne à sa table pour terminer de remonter son arme. Ramassant les pièces tombées lors de la petite crise de la rousse.

Pendant que ses gestes passent en mode automatique et qu'il termine sa besogne, sa tête baigne de pensées qu'il se sent obligé d'analyser. Des réflexions plutôt étranges, qu'il n'aurait jamais pensé avoir avant cet instant. Aurait-il fait un bon père ? Cette idée le force presque à penser à sa femme. Son ex-femme. Non, elle l'est toujours. Elle le sera toujours dans un sens. Il n'a pas envie d'y penser. Parce qu'il n'y avait qu'avec elle qu'il avait envie d'avoir des enfants. Pas tout de suite qu'ils avaient dit. Ils avaient le temps. Maintenant, ils ne l'ont plus. Elle ne l'a plus. Et surtout, qu'aurait-il fait d'un enfant dans ce monde. C'est assez hypocrite parce qu'il a élevé sa gosse. Sauf qu'il ne peut pas s'empêcher de se dire que ce n'est pas pareil. Ses mains n'ont plus rien pour s'occuper maintenant qu'il a terminé d'entretenir son arme. Ses yeux se fixent sur sa gamine face à lui. Toujours endormie.

L'homme ne sait pas combien de temps il passe ainsi à la regarder tout en laissant différents souvenirs de sa vie depuis qu'il l'a recueilli revenir à lui. L'heure tourne néanmoins, il ne bouge pas. Aujourd'hui, il se sent concerné. Alors Gareth va simplement attendre. Attendre le réveil de sa gosse.