L’homme est la fleur de la terre. - Ft Kell

Après tout ce temps à survivre dans ce monde dangereux, certains ont tendance à se penser immortels. Ce n’est pas mon cas et pourtant, j’ai été assez stupide pour croire que ma chance continuerait à me sourire. Résultat, j’ai offert à l’autre gamine de quoi se moquer de moi pour les prochains jours, bien que ma blessure soit bénigne. Enfin… Je ne risque pas d’en mourir, c’est le principal. L’éraflure est grande mais peu profonde. Certes, mon bras me brûle un peu du fait que la blessure soit récente, mais rien d’insurmontable. Si seulement j’avais été plus attentif, j’aurais vu cette branche avant de mettre toute ma force dans mon mouvement pour fracasser la tête de cet infecté… Mais si jamais Theresa fait sa maligne, je lui rappellerais avec plaisir où est-ce qu’elle a passé vingt quatre heures. Le truc qui m’embête le plus, c’est ma manche déchirée et tachée de sang.

Vu que je suis un idiot qui n’y connaît rien, je pensais que la nuit permettrais à mon bras de cicatriser, mais non. Au contraire même. J’ai encore cauchemardé et je me suis agité dans mon sommeil, résultat ma manche est encore plus rouge qu’avant, même si en soit, je n’ai pas perdu beaucoup de sang. Je suis heureux d’être en vie et de n’avoir qu’une blessure superficielle. Au fond, je peux même dire que je suis heureux d’entendre les moqueries de la Luciole, car ça signifie que je suis bien parmi les vivants. De plus, ce n’est pas comme si c’était ça qui allait me vexer.

Alors que je cherche un autre haut à me mettre, quelqu'un frappe. J’entends même mon prénom et je reconnais immédiatement la voix. La demoiselle insiste et menace ma pauvre porte. J’enfile rapidement le haut que j’ai dans les mains et vais vite lui ouvrir afin d’éviter d’avoir une porte à reconstruire.

- Kaelyne ?

Pas de surnom, surtout pas. Si jamais son père est dans les parages et qu’il en entend un, je suis un homme mort. D’ailleurs…

- Ton père sait que tu es là ?

Enfin… Elle fait bien ce qu’elle veut. La pauvre est déjà bien trop surveillée, même si je comprends les intentions de son père. Si elle peut avoir la paix quelques minutes, je ne vais pas être celui qui va lui rappeler de faire attention. Au contraire, elle est en sécurité avec moi, car je ne laisserais jamais rien lui arriver. Au pire, je prendrais les remontrances à sa place s'il le faut.

- Tout va bien ? Il y a un problème ?

Vu son état, je crains que sa réponse soit oui. Que se passe-t-il donc ? Les pires scénarios passent alors dans mon esprit et mon visage reflète mon inquiétude. Je l’observe attentivement, tentant de trouver une réponse à ma question le plus rapidement possible.  

Visiblement bien décidée à faire ce qu’elle a en tête, Kaelyne me force à reculer, rentrant ainsi chez moi. Elle referme la porte et se met même à me faire la leçon en m’ordonnant d’aller me coucher.

- Mais je-

Je n’ai pas le temps de protester que je me retrouve allongé, la jeune femme à mon chevet. Alors que j’allais demander ce qu’il se passait, Kaelyne me répond, comme si elle lisait dans mes pensées et qu’elle anticipait. Elle parle très vite et je remarque son angoisse. Je reste muet face à ce spectacle, ne sachant quoi dire, lorsqu’elle reprend, bien moins sûr d’elle que tout à l’heure lorsqu’elle est entrée en force.

Peur ? Cette "fille"… Elle veut sans doute parler de Theresa. Je comprends beaucoup mieux. Le problème, c’est donc moi. Je l’ai inquiété et fais passer une mauvaise nuit. Merde. Je m’en veux terriblement. Et je n’ai pas le coeur de lui dire que ce n’est rien de grave et que je peux me lever. Je décide de l’écouter, quoi qu’elle me dise, sans sous-estimer ma blessure ou surestimer ma résistance. Je suis blessé, c’est un fait, et elle se dérange pour me soigner. Le moins que je puisse faire, c’est bien de lui obéir au doigt et à l’oeil.

Sa main effleurant ma joue me procure des frissons et une sensation de bien-être. Je suis véritablement accro à sa tendresse. Cette fille est la personne la plus gentille que je connaisse. Elle est si douce, délicate et gracieuse que le moindre de ses gestes est un plaisir pour les yeux. J’attrape doucement sa main à la hauteur de ma joue et la regarde, plongeant mon regard dans le sien.

- Excuse-moi Kae, je suis sincèrement désolé. Tu as raison, j’aurais dû venir te voir, mais je ne voulais pas t'inquiéter. J’ai plutôt raté mon coup, hein ?

Je ris nerveusement, me sentant bien idiot. Je reprends un peu mon sérieux, détourne le regard tout en lui lâchant la main et tente d’être rassurant.

- N’écoutes pas ce que raconte Theresa, elle en rajoutera toujours le plus possible pour m’embêter. C’est mon bras, j’ai manqué d’attention et me suis éraflé contre une branche. Et je te promets qu’il n’y pas eu de sang d’infecté dessus.

Qu’elle ait été aussi inquiète pour moi me gonfle le coeur, bien que je n’aurais jamais dû laisser une telle chose arriver. La protéger, c’est la protéger elle mais aussi ceux qu’elle aime. Je dois être plus prudent, pour elle.

Sa voix est aussi douce que ses mots. Quand on survit seul à l’apocalypse, savoir que sa vie compte pour quelqu’un est le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir. En tout cas, pour moi, ça l’est. Alors l’entendre dire ça à haute voix, tandis qu’elle me caresse encore une fois la joue, me replonge des années plus tôt. Je ferme les yeux et j'imagine ma mère à sa place et moi malade dans mon lit. J’imagine que c’est elle qui me caresse la joue et qui me dit qu’elle s’inquiète pour moi. Ça me fait du bien. De toute façon, à chaque fois que je vois Kaelyne, je me sens bien. Ça doit être son super-pouvoir. Elle apaise quiconque se trouve dans son aura. Et sa magie a beaucoup d’effet sur moi.

Je rouvre les yeux lorsqu’elle prend mon bras et me doute, en entendant son grognement et en voyant son regard, que ça va être ma fête. En effet, ça ne manque pas. J’ai ce satané réflexe de m’écarter un peu lorsqu’elle approche son visage du mien, mais je ne peux pas m’échapper bien loin, mon bras étant prisonnier de ses mains.

- Quoi ?! Mais je-

Non, je n’ai pas d’excuse. On dirait un gamin pris en faute, oui, mais je ne peux pas protester car c’est vraiment ce qu’il se passe. Je soupire, m’avouant vaincu.

- Je ferais plus attention, c’est promis.

J’ai bien trop besoin de mes membres et je sens qu’elle serait capable de mettre à exécution ce qu’elle dit. Elle enfonce le couteau dans la plaie en voyant justement la mienne. Je me doutais que j’avais sous-estimé ma blessure, mais pas à ce point… Elle a l’air vraiment en colère. Je l’observe sortir ce dont elle a besoin. Concentrée, consciencieuse et en maîtrise parfaite de ce qu’elle fait. Il n’y a pas à discuter, Kaelyne est vraiment magnifique. J’ai beaucoup de chance qu’elle accepte de s’occuper de moi malgré ma stupidité. L’odeur qui s’échappe de la fiole me fait froncer le nez malgré mes pensées agréables.

- Tu as toute ma confiance.

Je lui confierais ma vie. Et je suis prêt à subir n’importe quelle douleur pour qu’elle me pardonne. Lorsqu’elle commence son travail, je sers les dents, refusant de laisser sortir le moindre gémissement de douleur ou la moindre plainte. Elle mérite que je la laisse travailler en silence. A ma plus grande surprise, c’est elle qui le brise en me posant une question. Loupé pour le silence, mais si elle souhaite discuter, ce n’est pas moi qui vais l’en empêcher. Cependant, sa question me prend de court. Theresa ? Pourquoi veut-elle savoir qui est Theresa ? Elle a besoin de ses services ? Elle ne la connaît pas du tout ? Ou… Elle s’inquiète de la relation que j’ai avec elle, étant donné que cette gamine a fanfaronné devant tout le monde lorsqu’elle a su que j’étais blessé ?

- C’est une mercenaire avec qui je travaille parfois. Pourquoi ?

En même temps, comment Kaelyne pourrait-elle me décevoir ? C’est plutôt l’inverse qui est susceptible d’arriver. Devant son sourire et son air déterminé, je ne peux m’empêcher de sourire, un peu niaisement. Je profite de son immobilité pour aller lui ébouriffer gentiment les cheveux de ma main libre. Elle est vraiment trop mignonne. Je le laisse ensuite reprendre son travail, serrant à nouveau les dents. Ma chair est à vif et même un petit objet tel que la pince à épiler se fait particulièrement bien sentir. Cependant, la jeune femme est douce et attentive, ce qui me permet de me détendre et d’éviter ainsi de crisper mon muscle, ce qui pourrait peut-être la gêner. Mais malgré tout ça, j’ai du mal à retenir un gémissement de douleur lorsqu’elle extrait de ma blessure un nouvel éclat un peu plus enfoncé que les autres. Ça fait mal, bordel.

Lorsqu’elle se redresse à la suite de cela, je me demande s’il y a un problème. Peut-être un éclat est-il trop enfoncé, peut-être va-t-elle s’énerver ? Mais pas du tout. Elle relance le sujet de Theresa avec un regard très sérieux. Et face à tout ça, je ne sais pas quoi dire. Selon elle, cette gamine tiendrait à moi ? J’en doute. Elle adore se foutre de moi et on rigole bien ensemble mais ça ne va pas plus loin… Je crois. Theresa n’a jamais montré un quelconque signe qui m’indiquerait que je suis pour elle plus qu’un simple mercenaire parmi les autres. Je ne sais vraiment pas quoi en penser. Personnellement, je la considère comme une amie, mais elle ? Voilà que Kaelyne est en train de me retourner le cerveau. Je lui réponds, hésitant.

- Peut-être... J’en sais rien. Tu as sans doute raison.

Ce serait quand même bien étrange que Theresa s’occupe de moi, non ? Qu’elle soit inquiète pour moi, qu’elle tente de m’aider avec ma blessure, ce genre de chose. Oui, vraiment, cette image mentale me donne plus envie de rire qu’autre chose. Peut-être même qu’elle en profiterait pour m’en infliger d’autres, des blessures. Cette fille est tellement imprévisible.

La médecin reprend ensuite son dur labeur et ce n’est qu’après plusieurs minutes qu’elle se redresse à nouveau, cherchant à détendre ses épaules. Je lui dois un massage, c’est la moindre des choses. Alors que je m’apprête à la remercier du fond du coeur pour ses soins, elle me devance en me posant une question qui me fait écarquiller les yeux. Et la suite me fait rire. Ça fait du bien de savoir que malgré tout ce qu’elle a traversé, Kaelyne pense encore ce genre de chose. Pour moi, ça me paraît trivial, mais surtout dangereux. A cette pensée, je reprends mon sérieux.

Les gens que l’on aime ne restent jamais bien longtemps avec les infestés et les divers dangers qui rôdent. J’en ai fait les frais. Depuis ce jour cauchemardesque au lycée et depuis la mort de ma mère, je n’ai pas vraiment cherché à plaire ou à séduire. Mais ce serait me mentir à moi-même que de dire que je n’ai pas envie de trouver quelqu’un. De retrouver mon côté affectif, et même romantique, que l’apocalypse m’a fait mettre de côté de force. C’est juste que j’ai peur de refaire les mêmes erreurs, de ne pas être capable de la protéger. Ça m’effraie même. Alors je me contente de ce que j’ai, bon gré mal gré. Mes amis sont là, et j’ai déjà de la chance de les avoir. Et puis, quand je pense au calvaire que vit le père de Kaelyne depuis la mort de sa femme…

Je souris à nouveau, espérant pouvoir me débarrasser bien vite de ces sombres pensées. Mieux vaut que je me concentre sur Kaelyne et ses cheveux roses.

- Merci pour le compliment, mademoiselle. Mais je suis toujours libre comme l’air ! Cela dit, je suivrais tes conseils à la lettre, c’est promis ! Je serais doux et aimant.

Je ris car ces mots me paraissent bien plus appropriés pour désigner la jeune femme que moi. Malgré le fait que j’essaye de garder ma personnalité de l’époque intacte, j’ai été, comme tous les survivants, marqué et changé par tous les évènements qui nous sont arrivés. C’est un fait et rien ne pourra jamais nous permettre de retourner en arrière. Mais qui sait ? Peut-être que oui, Kaelyne a raison. Peut-être que je peux encore plaire malgré l’aube de mes trente ans et que je pourrais rencontrer quelqu’un qui serait capable de guérir les blessures auxquelles Kaelyne n’a pas accès. Est-ce seulement possible ?

Mais si elle joue avec moi comme ça et qu’elle pose autant de questions depuis son arrivée, j’estime que je peux en faire de même. D’un sourire malicieux, je continue.

- Et de ton côté alors ? Une jeune femme comme toi, tu dois tous les avoir à tes pieds ! Même malgré le redoutable père !

Je ris mais je sens mes joues se réchauffer. Moi, un père ? Quelle idée. Est-ce que je serais prêt à faire naître et à élever un enfant dans un monde comme le notre ? Je ne sais pas si j’en aurais le courage, honnêtement. J’aurais trop peur de le perdre. Et puis, est-ce qu’un enfant peux grandir correctement dans les conditions dans lesquelles nous vivons ? Je ne veux pas qu’il grandisse avec la peur au ventre, ne sachant pas si au lever du soleil ses proches, ou bien lui-même, auront survécu. Ce serait horrible d’infliger ça à quelqu’un. Mais si j’oublie une seconde l’apocalypse… Oui, j’aurais aimé être père. Être là et faire tout l’inverse de ce que mon paternel a fait. Je serais là pour mon enfant à chaque fois qu’il en aura besoin.

Visiblement, Kaelyne est tout aussi gênée que moi par sa question. Décidément, quoi qu’elle fasse ou quoi qu’elle dise, elle est adorable. Son innocence est quelque chose de précieux, et je suis près à la défendre bec et ongles contre ces machos qui rôdent. Son coup de poing et sa réaction me font rire, encore une fois. C’est fou, avec cette jeune femme, j’ai l’impression de vivre dans un autre monde. C’est comme si la Terre arrêtait de tourner le temps de notre conversation et que nous n’avions plus rien à craindre. Et j’adore ce sentiment.

Elle termine ses soins tandis qu’elle me répond. Ses paroles me font réfléchir un moment. Il est vrai qu’elle ne doit vraiment pas avoir l’ombre d’une chance de pouvoir s’éclipser quelques minutes pour aller parler avec un homme. Et je sais que je n’ai pas à m’en mêler, mais…

- Je ne m’entends pas trop mal avec ton père. Je peux l’occuper pendant que tu en profites un peu. Enfin, je veux dire… Je peux te couvrir quoi…. Si ça te dit.

Je ne sais pas vraiment si je fais bien de lui proposer une telle chose, mais je me dis qu’à sa place j’étoufferais et qu’une solution de secours ou un allié serait plus que bienvenue.

- Oh et tu dois être aussi aveugle que moi alors.

Je ris et observe mon bras, qui va guérir à toute vitesse grâce à Kaelyne. La prochaine fois, je rangerais ma fierté et j’irais la voir directement, même si j’espère qu’il n’y aura pas de prochaine fois. Un silence s’installe tandis que l’on se regarde l’un l’autre. Elle a l’air de penser à quelque chose, et il ne lui faut pas bien longtemps pour me surprendre une nouvelle fois avec sa question. Waouh. Je l’avais vraiment pas vu venir celle-là. Alors… Elle a si peu confiance en elle ? Elle a besoin d’être rassurée ? Mais comment cela est-il possible ? N’importe qui craquerait pour sa frimousse, son caractère et son attitude ! Est-ce que c’est encore à cause de son père, qu’elle n’en prend pas conscience ? Quand bien même la question, ainsi que ma réponse, peuvent être mal interprétées, je décide de lui dire ce que je pense, prenant un air très sérieux afin qu'elle ne doute pas un instant de ma sincérité.

- Oui. Oui, tu es attirante, Kae. A l’extérieur comme à l’intérieur.

Je ne lui donne que mon avis personnel, bien sûr, et je ne sais pas ce que ce dernier vaut à ses yeux, mais j’espère que ça l’aidera à prendre confiance en elle.

Ses yeux brillent lorsque je fais ma proposition, me rassurant grandement. Elle considère mon aide comme un cadeau, et je crois pouvoir dire sans prendre trop de risque que c’est la plus belle chose que j’ai pu entendre de toute ma vie. Je ne sais pas pourquoi je me suis tant attaché à Kaelyne, mais une chose est sûre : je ferais tout pour elle. Il ne faut plus qu’elle s’en étonne. Au contraire, il faut qu’elle prenne mes services pour acquis, que ce soit occuper son père, sortir lui récupérer ce dont elle a besoin ou même juste lui tenir compagnie. Son sourire m’éblouit et je souris tout en regardant mes mains prisonnières des siennes. Mais elle les libère rapidement pour venir contre moi, d’un naturel qui ne me surprend pas. Tout paraît si simple entre nous, c’est déroutant. Je pose ma main sur l’arrière de sa tête, la serrant doucement contre moi pour une tendre étreinte.

- Moi aussi je suis content de te connaître, miss.

Les mains, d’accord. Le câlin, on en a déjà fait auparavant, je m’y suis habitué. Mais le bisou sur la joue, je ne l’avais vraiment pas vu venir. Je rougis malgré moi et la regarde avec un sourire gêné mais sincère. Je me perds dans ses yeux et la contemplation de son visage rouge de par ma réponse. C’est sa proposition qui me ramène sur Terre. De un, il est impossible qu’elle ne trouve personne, même en temps d’apocalypse. De deux, suis-je vraiment à ce point focalisé sur notre survie à tous ? Je l’aurais remarqué quand même, si des femmes s’intéressaient à moi, non ? Non… Probablement pas, elle a raison. Mais plus important, son idée me va droit au coeur. Elle serait vraiment prête à vivre avec moi ? Je la « comble » ? Mes joues gardent leur teinte colorée devant une telle idée et sa main qui me caresse la joue. Plus que des meilleurs amis, on est comme une famille. Je la considère comme ma petite soeur et ça ne changera jamais.

- Tout ce que tu voudras, Kae. Tout ce qui te rendra heureuse. Et puis, c’est une très bonne idée.

Je ris doucement et caresse ses cheveux avec ma main restée sur sa tête tout ce temps. Elle se blottit à nouveau contre moi en me demandant de la laisser dans cette position quelques minutes en me prêtant des bienfaits que je n’aurais jamais cru apporter à qui que ce soit. Elle a vraiment le pouvoir de me redonner confiance en moi en une phrase, c’est fou. Un mot de la jeune femme et je sais que je serais capable de n’importe quoi. Son sourire vaut tout l’or du monde. Je la serre donc à nouveau contre moi, m’autorisant même à déposer un baiser sur ses cheveux. Jamais je ne pourrais faire ça avec quelqu’un d’autre. Kaelyne, elle est… Spéciale. Unique. Tout comme notre relation, que je ne veux perdre pour rien au monde.

- Prends tout le temps dont tu as besoin.

Je te l’offre volontiers.

Kaelyne sait parfaitement comment me faire perdre mes moyens en seulement quelques mots. Cette fille est vraiment mignonne, trop pour son propre bien. Comme elle, je me prends au jeu d’imaginer ce que serait ma vie avec la jeune femme. Certes, son père sera forcément de la partie, mais elle a raison, je pense qu’il m’aime assez pour me faire confiance. Enfin, je crois. Et moi, je l’aime assez pour voir au-delà de son statut de milicien et papa poule. Mais il ne faut pas que je m’y perde trop. Kaelyne sera bien plus heureuse en faisant sa vie avec quelqu’un qu’elle aime et qui l’aime en retour. Je sais que malgré l’apocalypse, elle trouvera le bonheur que tout le monde recherche. Elle le mérite.

- Au moins, il mettra de l’ambiance.

Je ris un peu rien qu’en imaginant la liste de règles que ferait Peter et sa tête apparaître subitement derrière une des fenêtres pour nous surveiller avec des yeux menaçants. Certes, ce sera bien moins drôle en vrai, mais dans mon esprit, la situation est assez ridicule pour me faire rire. Puis la douce demoiselle change de sujet et en aborde un bien plus sérieux et bien moins plaisant. Dehors, hein ? Mon air se fait plus sérieux, mais je garde tout de même un petit sourire. Ce n’est pas la peine de lui faire peur, mais je ne veux pas lui mentir non plus. Rien ne sert de faire le fanfaron et de se faire passer pour un super-héros auprès d’elle, elle saurait que je mens.

- Si. J’ai peur à chaque fois que je sors. Après tout, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Mais c’est nécessaire pour notre survie à tous.

Et je deviendrais fou si je devais rester ici à attendre. Là au moins, je peux faire avancer les choses, me rendre utile, aider mon prochain. Mais de là à me demander si quelqu’un serait prêt à risquer sa vie pour moi… Je ne sais pas du tout si Theresa en serait capable et je suis sans doute un grand naïf optimiste en y croyant. Est-ce que Gareth serait prêt à me défendre à ce prix ? Je ne sais pas si le problème vient de moi et de la confiance que je n’ose pas toujours accorder aux autres lorsqu’il s’agit de ma vie, ou bien le fait qu’au final, on ne connait jamais vraiment les gens.

- Je ne sais pas.

Mais Kaelyne utilise son don et fais battre mon coeur. Ses mots sont plus touchants et rassurants que tout ce qu’on a pu me dire depuis que je suis arrivé à Hope City. Sa main dans la mienne est un magnifique supplément et je la regarde, tout sourire, lui désignant mon bras blessé d’un coup d'oeil.  

- Tu l’as déjà fait, Kae. Et tu le fais déjà tous les jours.

Et ne doute pas que je te rendrais tout ça au centuple. Elle a, à son tour, besoin de réconfort et me le montre bien avec ses mots et son sourire qui s’efface. Elle doute d’elle, de sa capacité à me faire oublier l’apocalypse et de ses talents pour nous aider, tous autant que nous sommes. Il ne m’en faut pas plus pour lui répondre immédiatement.

- Tu sais, savoir que quelqu’un nous attend ici, c’est ce qui nous fait tenir, pour la plupart. Savoir qu’on est important aux yeux de quelqu’un. On a connu assez de malheurs et de pertes pour être sûr et certain qu’on ne souhaite plus repasser par là et ne pas l’infliger aux autres. Et puis, une si jolie infirmière qui nous attend, ça ne se refuse pas ! Quand bien même nous sommes blessés, nous savons que tu es là, pour nous aider de toute tes forces. Et ça, tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais ça compte énormément, miss.

Il est très rare que je me confie de la sorte et que je parle autant d’un coup, mais je souhaite tellement que Kaelyne soit rassurée, confiante et qu’elle retrouve le sourire que les mots sortent sans même que j’ai besoin d’y réfléchir. C’est sans doute pour cela que je ne bégaye pas. Et aussi le fait qu’avec elle, je me sens tellement bien qu’elle fait disparaître ma gêne, ma timidité et mon manque de confiance en moi. Je l’ai dit, cette fille a un don.