Now I got nothing to lose and everything to win - Callie

1993 – Ta naissance. Gamine première née d'une famille banale. Ton père est médecin, ta mère deviendra femme au foyer à ta naissance parce que c'est hors de question pour eux de laisser une inconnue s'occuper de toi, même si ça tue ta mère de renoncer à sa carrière. Elle te le fera payer subtilement. Enfance passée à être le trésor de ton père et la raison des pleurs de ta mère, même gamine t'as très vite compris qu'ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Et quand ta mère est tombée enceinte pour la deuxième fois, tu ne savais pas si tu devais rire ou pleurer.

1999 – La naissance de ta petite sœur, Bernadette. Ton père la voulait plus que ta mère, même du haut de tes six ans tu le savais. Toi, tu t'en fichais un peu. T'as jamais été proche de grand monde, mis à part de ton père. Ce héro, qui arrivait à accrocher des sourires sur ta face lunaire et qui venait pincer ton nez parce qu'il savait que ça te faisait rire. Peut-être qu'au fond, ta mère était jalouse de l'amour qu'il te portait, parce qu'il avait moins de temps pour elle. Parce qu'elle n'était plus qu'une mère, comme si elle avait perdu son statut de femme. T'es pas sûre d'avoir un jour aimé ta mère. Mais ton père, lui, était ton héros. Et puis, finalement, t'as appris à être proche de Bernadette. Et à l'aimer, peut-être plus que toi-même.

2001 – Le divorce de tes parents. C'était prévisible. Les querelles prenaient de plus en plus de place, et tu te retrouvais de plus en plus à devoir t'occuper de Bernadette. T'avais huit ans, mais c'était toi qui devait donner à manger à la gamine de deux ans dont les parents ne s'occupaient plus, faute de temps pour le faire entre les cris. Finalement, le divorce a été la meilleure chose à faire. Après plusieurs mois d'audience et d'évaluations sociales, c'est à ton père qu'on a confié votre garde, à ta sœur et toi. Dès lors, tu as refusé de voir ta mère. Parce que tu ne l'aimais pas. Parce que la seule chose qu'elle savait faire, c'était te crier dessus ou te rabaisser. T'as toujours préféré ton père.

2005 – L'arrivée d'une figure maternelle dans ta vie et dans celle de Bernadette. Ta belle-mère, une femme douce et aimante qui t'a appris qu'une mère n'était pas nécessairement abusive. Tu avais 12 ans. Tu as beaucoup aimé ta belle-mère. Pas autant que ton père, mais c'est elle qui t'a fait découvrir la plupart des choses que tu t'es mis à aimer, par la suite. Et c'était la seule qui avait la volonté de grimper aux arbres dans lesquels tu te réfugiais quand tu voulais être seule, parfois juste pour t'apporter ton goûter, parfois simplement pour passer quelques heures avec toi à observer le monde de votre perchoir. Peu à peu, tu as fini par la considérer comme ta mère, et par oublier celle qui t'avait donné la vie.

2007 – L'année de la mort de ton père. Le premier à partir, parce qu'il était trop proche de la source, trop proches des infectés. Il n'est pas parti de sa belle mort. Un jour, ta belle-mère a fait rapidement vos paquets, des affaires jetées dans une seule et unique valise, après un appel de l'hôpital dans lequel ton père travaillait. Elle n'a pas voulu vous dire ce qu'il se passait, mais tu avais 14 ans et tu savais ce qu'il se passait. T'as compris rapidement, et t'as même pas eu le temps de pleurer. Ta belle-mère voulait quitter le pays avec vous, vous mettre en sécurité. Un réflexe maternel. Sauf que vous n'avez jamais pu quitter le pays. Vous vous êtes terrées là où vous avez pu, tu te souviens encore des chansons de ta belle-mère pour essayer de vous calmer, Bernadette et toi. Tu te souviens que ta belle-mère avait appris à Bernadette à faire comme toi, à monter dans les arbres, à se réfugier en hauteur. Et vous avez réussi à survivre comme ça toutes les trois pendant 3 ans.

2010 – L'année de la mort de ta belle-mère. Tu avais 17 ans. Bernadette en avait 11. La nourriture était devenue trop difficile à trouver, les infestés de plus en plus nombreux, et vos tactiques pour leur échapper de moins en moins efficaces. Ta belle-mère s'est fait mordre devant vous, et tu as su que vous ne pouviez rien faire pour elle. Bernadette a hurlé, a pleuré, a supplié alors que tu l'as forcé à courir avec toi. Elle t'a supplié de ne pas l'abandonner. Et tu te souviens encore lui avoir dit que tout ce que vous pouviez faire pour elle, maintenant, c'était de trouver Hope City, comme vous aviez prévu de le faire. Vous avez marché longtemps. Et vous avez fini par trouver cette drôle de ville. Vous, deux gamines en état de choc, perdues, désorientées, mais enfin prises en charge. Et vous avez vécu dans le district deux.

2018 – L'année de la mort de ta petite sœur. Quand tu y penses, tu as du mal à réaliser que tu es la dernière de ta famille en vie. Tu as vraiment du mal à le réaliser, tu t'attends encore à voir surgir Bernadette de nulle part. Tu ne sais pas ce que ta mère biologique est devenue, et tu t'en fiches. Elle n'est pas à Hope City, tu es seule ici, maintenant. Pourtant, Bernadette et toi avez survécu à toutes les contaminations, éviter les morsures et les attaques. Même la contamination accidentelle des trois derniers District ne vous a pas tué. Tu as certainement fini par penser que vous étiez suffisamment entraînées pour échapper à tout. Mais Bernadette est tombée malade. Une maladie idiote, qui n'a pas pu être soignée, faute de médicaments. Elle est morte bêtement. Elle est morte en te tenant la main, trempée de sueur. Elle est morte quelques semaines à peine après que vous vous soyer mises à l'abri dans le District Un. Et tu t'es juré à toi-même que plus personne ne devait mourir de ça. Qu'il y avait bien assez de morts pour ne pas en rajouter bêtement. C'est à cause de Bernadette si tu t'aventures aujourd'hui en dehors du District à la recherche de médicaments et de matériel médical. À cause, ou grâce, tu ne le sais pas encore. Mais ça fait un an que tu arrives à échapper aux Marcheurs. Un an que tu esquives les Infestés pour ramener ce que tu peux à l'hôpital.

C'est ta façon à toi d'honorer la mémoire de Bernadette, celle de ton père, celle de ta belle-mère. Une manière de contribuer à maintenir cette société. Une manière de te rendre utile. Qui sait maintenant quelle mort te réserve 2019.