Omni hominem. - Ft Ilya [Terminé]

T’as faim. Putain… Tu grognes en continuant de marcher dans les allées du petit marché qui nourrit quotidiennement les habitants de la ville en vivre fraiche. Des cultures, surtout, puis des choses que vous trouvez, chassez, ramassez aussi. Et normalement, tu arrives aux aurores pour aller troquer quelques-unes de tes trouvailles contre de la nourriture. Normalement… ouais.

T’es yeux s’arrête sur des rations de pommes de terre cuites, servies avec de la crème flotteuse et des herbes aromatiques pour faire passer le tout. T’hésites. Tu n’es pas de ce genre-là, vraiment, mais t’as si faim que ton estomac crie famine. Alors ouais, t’hésites, tu recules, avant de craquer et te glisser entre les badauds.

Pourquoi t’en es réduite à voler ta nourriture ? Et bien hier tu es rentrée avec de l’alcool, que tu comptais troquer sur le marché à un mec dont tu commences à bien connaître les goûts en termes de breuvage. T’es donc rentrée chez toi, prête à dormir… et ce matin, l’alcool avait disparu de ton appartement. Comme ça… Pfiout. Alors oui, hein, t’as gueulé, t’as cogné les murs, mais c’est pas avec ça que t’allais changer la donne.

Tu viens d’attraper une barquette en douce et tu fais demi-tour pour t’enfuir, en te disant que tu viendras régler ton emprunt plus tard quand une main se pose sur ton épaule. Une paluche énorme, lourde et qui ressert une poigne douloureuse sur tes os fins.

« QU’EST-CE QUE TU FAIS LA, PETITE ?!
-Je vais vous régler dès que…
-AU VOL ! MILICE, MILICE ! CETTE PETITE HYÈNE M’A VOLE ! »

Ses hurlements se répercutent sur la place, alors que tu essaies de t’échapper de sa prise, ou au moins de t’expliquer plus calmement, mais rien y fait. Et, quand la douleur devient insupportable sur ton épaule, tu réagis instinctivement. Ton pied s’écrase contre sous tibia, et tu profites de son cri de douleur pour faire un bon en avant, la nourriture chaude et intacte dans les mains.

« Calmez-vous ! Je vais vous payer mon dû dès que je reviendrai d’expédition.
-On paie avant de manger, voleuse !
-J’VAIS PAS CREVER DE FAIM NON PLUS ! »

Oups… Ça t’a échappé.

Encore une journée de patrouille, je détestais ça... J'avais pas été engagé dans cette putain de milice pour ça... Mon truc à moi c'est juste de faire le sale boulot que personne veut faire normalement, et ça me convient très bien. On a perdu 12 hommes le mois dernier et on est en sous effectif, qu'ils ont dit. Et qu'est-ce que ça peut me foutre ? Sérieusement on a l'impression d'être des pigeons, mais on doit suivre les ordres. Déjà trois heures qu'on tournait avec un bleu quand je me décidais à le congédier pour qu'il déjeune. Arrivé au centre ville, une foule bien trop de gens et rien à signaler, en tout cas pas avant d'arriver près de la place du marché.

Un attroupement de personnes s'était regroupé autour d'un stand d'où des cris s'échappaient. Un commerçant avait chopé un voleur la main dans le sac ? Une femme réprimandait son gosse ? Je ne savais pas ce qui se passait mais je jetterais un coup d'oeil histoire de dire que je n'ai pas ignoré le problème. Lorsque j'arrivais enfin au niveau de l'action, car oui, il avait fallu que je me faufile à travers l'amas de gens qui regardaient sans rien faire. Bande de lâches... Une gamine avait volé à l'étalage. Tchh Rien de bien grave. J'étais déçu, jusqu'à ce que je vois le marchand s'apprêter à lui mettre une grosse mandale. Je m'approchais alors et saisis son poignet avant qu'il ne heurte le visage de la petite. Vive la gamine s'apprêtait en profiter pour filer, je lui saisis également le poignet. Et de mon regard le plus agacé possible je me mis à demander des explications.

"On peut savoir ce qu'il se passe ici ?

Cette gosse a volé des produits dans mon stand ! dit le type enragé.

Et c'est une raison pour s'en prendre a une gosse ? T'as pas un adversaire à ta taille gros porc ?

Je ne crois pas qu'un membre de la milice soit sensé agresser les victimes ! Votre patron en entendra parler ! Dit-il toujours en beuglant. Pendant que la fille tentait de dégager sa main de la mienne.

Alors en plus d'être lâche t'es une balance ? Gryaznyy ublyudok Alors que je le traitais de sale bâtard dans ma langue maternelle je sentais les regards de la foule se poser sur moi, dépités que je ne sois pas là pour les aider. Je tournais la tête vers la fille et dis :

Qu'est ce que tu lui as pris ? lorsque nos regards se croisèrent elle me dévisageais d'une façon que je ne comprenais pas. Je ne me souvenais pas avoir déjà vu cette gamine auparavant.

Tu le regardes droit dans les yeux. T’es prête, tu sais que t’encaisseras la gifle sans broncher. Tout dans tes yeux lui hurler de le faire, d’oser ramener sa main dans ton visage. Parce que, s’il fait ça, tu ne te priveras pas de répondre et de lui faire passer l’envie de frapper quelqu’un pour une patate !

Sauf que non. Alors que tes yeux lancent des éclairs et que tu te prépares à ne pas crier, ou au moins te défendre, une main s’agrippe à son bras et le retient. Et, instinctivement, tu cherches à t’échapper de là avant qu’on t’arrête aussi sec.

« Lâche-moi espèce de… »

Ta voix s’étouffe d’elle-même, meurt dans ta gorge, alors que tu regardes l’homme qui est intervenu. Un milicien, qui se prend maintenant le bec avec ton vendeur. Un homme reconnaissable, aux cheveux bruns, courts, se tenant dans une rigidité dure. Un monstre surgit de tes cauchemars qui se tournent vers toi pour te demander ce que tu as volé.

« Lâche-moi ! »

Ta voix est devenue aiguë, tout à coup, alors que d’un mouvement brutal, tu récupères ton bras de son emprise, même si tu te fais sacrément mal au passage. Ton poignet contre ta poitrine, tu recules d’un pas sans lâcher le type du regard. Et là, au milieu de la foule, tu sens une poussée d’adrénaline qui te hurle de te jeter dessus et de le tuer. Même si t’as pas tes armes pour le faire. Même si tu dois lui arracher la carotide avec les dents. Même si tu risques d’y passer en même temps.

« VOUS VOYEZ ! UNE VOLEUSE ET UNE MENTEUSE ! PARLE GAMINE ! »

Hurle à nouveau le vendeur mécontent. Et c’est son cri qui te ramène à la réalité. Sans lâcher l’homme du regard, sans te détendre d’une once, tu finis par avaler ta salive difficilement et répondre, d’une voix plate.

« Une pomme de terre chaude. J’ai faim et je lui ai proposé de le payer en revenant de ma prochaine expédition. C’est un combat de regard, que tu ne comptes pas perdre, même si cet enfoiré de vendeur continue à vociférer contre toi. D’autres marchands peuvent prouver ma bonne foi. Je paie toujours mes dettes. »

Et c’est ça. Ta dernière phrase, articulée lentement et d’une voix glaciale, que tu prononces sans savoir si tu parles encore de rembourser la nourriture volée ou de régler son compte à ce milicien de pacotille.

Elle se dégage de mon emprise, et j'espère qu'elle ne va pas filmer à l'anglaise la garce. A peine s'est elle éloignée que le vieux con se remet à gueuler dans mes oreilles. Je l'ignore trop concentré sur la potentielle fuite de la gosse. Elle me répond d'une voix déterminée, avec toujours cet air que je n'arrive pas à interpréter dans les yeux.

"Une pomme de terre chaude. J’ai faim et je lui ai proposé de le payer en revenant de ma prochaine expédition" Nous nous fixons pendant quelques instants, je me demandais si elle donnerait plus de précisions ou si j'allais devoir me contenter de ça.

"D’autres marchands peuvent prouver ma bonne foi. Je paie toujours mes dettes" Ajouta t-elle.

"Elle ment, c'est une menteuse et une voleuse ! Vous comptez me brutaliser longtemps au lieu de l'arrêter ? Faites votre job ! Nan mais...

C'était trop... Ce type était le genre de personne que je méprisais le plus sur cette terre, un lâche qui croit que tout lui est du du fait de sa position... Quelle position ? T'es qu'un pauvre marchand de merde... Et en plus il croit que mon boulot c'est de le débarrasser des crève la dalle, c'est pas mon job et il va le sentir passer l'enfoiré. Je me retournais face à lui et fis tourner la main que j'avais autour de son poignet pour lui faire une clé de bras avant de me retrouver derrière lui.

"Ta gueule déchet" lui dis-je avant de lui mettre un coup sec dans le cou le mettant hors service.

Je me retournais à nouveau face à la gamine "Garde ta patate, et que je t'y reprenne plus. Les mecs en quarantaine aussi ont la dalle et je suis sur que tu serais à leur goût."

Je les sentais à nouveau les regards des habitants, ces gens faibles et pathétiques, terrorisés par une scène d'une banalité sans nom. Je laissais le marchand là et m'apprêtais à traverser la foule de nouveau, je fis signe à la gamine d'en faire autant. Car pour dire vrai je n'avais pas envie qu'elle cause d'autres problèmes et me force à intervenir à nouveau. Nous nous dirigions hors de la foule, je sentais bien que quelque chose clochait dans l'attitude de cette gosse, mais quoi ? Pourquoi avait-elle l'air d'autant détester la milice ? Bon après tout peut-être que d'autres ne se sont pas donné la peine d'intervenir par le passé. Tout le monde n'a pas les fédéraux au cul.

Je marchais en silence surpris de constater qu'elle était encore là à quelques pas de moi, comme un animal qui jauge la force de son ennemi. Tch... Les gamins, c'est pour ça que je les déteste...

Tu vas le tuer. Tu le boufferas tout cru s’il faut. Qu’on te mette aux fers ou qu’on te zigouille ensuite, t’en as rien à faire. Là, t’as juste envie de le tuer. Pire, t’en as besoin ! C’est viscéral. Tu t’es tellement rappelée encore et encore de la nuit de la mort de tes parents, du regard de ce type qui ne t’a même pas achevé, de la facilité avec laquelle il t’a pris ta famille. C’est arrivé à un point où tu l’as déjà tué de nombreuses fois, dans tes cauchemars. Encore et encore. De moult façons d’ailleurs.

Sauf que voilà, la foule vous regarde et le marchand hurle encore. Et toi, tu restes là, immobile. Tu le laisses bouger, mettre KO le type. La main agrippée toujours à ta barquette de patate chaude, tu le suis des yeux comme un prédateur suit sa proie avant de lui tomber dessus.

« Ils s’casseraient les dents sur moi… »

Tu grognes comme toute réponse alors que le milicien se remet en marche à travers la foule. Et là, tu comprends que tu as peut-être une occasion de te venger sans y laisser ta vie. Sans reposer ton repas, tu te frayes un passage dans son dos et tu le suis en silence. Pire même, puisque tu manges ton repas qui a bien refroidi en évitant les gens avec une souplesse de chat.

C’est quand il jette un coup d’oeil derrière lui et qu’il te remarque que tu accélères enfin. Tu le rejoins sans difficulté et t’es même en train d’avaler ta dernière bouchée quand tu atteins son flanc. Ton visage est étonnement décontracté, tout à coup, et t’as même le culot de lui sourire, avec ce petit truc provocateur que tu adresses à tous les miliciens que tu croises.

« Merci de m’avoir aidé ! Ce type est un con. »

Tu regardes autour de toi, et tu finis par poser ta barquette dans les mains d’un gamin éteint, sur le palier d'une maison. T’écoutes même pas ses remerciements et tu reviens en courant au niveau de ton Nemesis. Tu veux en savoir plus, pour le tuer avec encore plus de joie.

« Tu t’appelles comment ? Et tu vas où, là ? »

Comme si c’était la chose la plus normale de monde, que tu le poursuives et que tu t’intéresses le plus innocemment possible à sa vie et à ses affaires. Qu’est-ce que tu peux être conne parfois...

Elle me remercie, ce n'est pas quelque chose de courant. Les gens ne me remercient jamais, et je n'attend pas non plus qu'ils le fassent. Après tout elle est ptet pas si ingrate que ça la gosse. Je poursuivais ma route, pensant qu'elle s'en irait car désormais elle n'avait plus de raisons de me suivre. Mais à peine deux minutes plus tard la revoilà. C'est bien ma veine, un pot de colle. Elle me demandais mon nom et également ce que je comptais faire. Pourquoi fallait que ça tombe sur moi ? Jugeant qu'il serait plus pénible de la voir insister je me résignais à lui répondre.

"Je m'appelle Ilya... hésitant à lui en dire plus je fis une pose, cependant elle s'obstinait à me suivre. J'ajoutais donc :

"Je continue ma ronde, puis je rentre au QG." mon ton n'était ni sec ni compatissant, il ne comprenait aucune émotion. Je répondais machinalement tel un robot.

C'est à ça que j'étais réduit, une machine de guerre. Enfin il n'y avait même pas la guerre pour pimenter mes journées ou mes actions. La désolation, la fin qui rongeait les vivants petit à petit nous guidant tous vers une mort certaine. Je jetais des coups d'oeil alentours vérifiant qu'il n'y avait pas de grabuge en compagnie de la gamine, toujours sur mes talons.

Je m'arrêtais à un stand et pris de quoi boire car je n'avais rien mangé de la journée et que d'ingérer un liquide peu importe lequel soulagerait mon estomac le temps de rentrer trouver ma viande séchée. C'était dégueux mais ça calait bien, alors c'était mieux que rien. Je trouvais la gosse suspecte, pourquoi avait-elle besoin de me suivre ? Peut être que c'était encore une de ces personnes qui veulent intégrer la milice pour se faire mousser... Cependant c'était pas l'impression que j'en avais. Au contraire elle n'avait pas l'air de nous apprécier, alors quoi ? Je l'ai sauvée des pattes d'un sale type et maintenant je vais devoir me la coltiner ? J'ai clairement pas signé pour ça.

La paranoïa était monnaie courante chez moi, depuis gamin déjà j'avais appris à ne dormir que le minimum et à rester sur mes gardes. Ca évitait que je me fasse tirer du lit par des coups ou des caresses dont je n'avais aucune envie. Ensuite la mafia qui risquait de me zigouiller au premier faux mouvement, et enfin les Fed qui m'ont traqué pendant des mois. Normal après tout que je stresse à la première attitude pas banale. Banale... Je savais quoi de ce qu'était une attitude banale moi ? Personne n'a l'air de comprendre pourquoi je fais ce que je fais, ni mes réactions. Alors qui suis-je pour juger ? Tant de questions me passaient par la tête alors que le calme était revenu au centre-ville.

Ilya.  Ce prénom résonne en toi comme un cri. Tu le repasses dans ta tête, tu l’articules de toutes les manières possibles. Tu es littéralement en train de l’inscrire dans tous tes pores, pour être certaine de ne jamais l’oublier. Ilya. Il s’appelle Ilya. C’est fait. L’homme qui a assassiné tes parents, qui t’a volé ce qu’il te restait d’humanité a un nom et un visage. Pire, une présence. Ilya. Son prénom est une litanie en toi, et tu sais que tu ne cesseras de l’incanter que quand son sang recouvrira tes mains.

« J’peux v’nir avec toi ? J’connais quelqu’un là-bas, mais j’ose pas y aller toute seule parce que les autres miliciens sont… »

Tu ne dis rien, mais tu prends ce regard qui en dit long. Celui sous lequel tu caches l’attitude souvent dégueulasse de ces hommes avec toi. Avec les gens en général, peut-être plus les femmes. En tout cas, tu te cales sur son pas et tu l’escortes même quand il s’arrête pour prendre à boire. Tu ne regardes même pas spécialement autour de toi, nan… toute ton attention est offerte à lui. Pour lui.

Vous reprenez votre marche et tu es en train de chercher comme l’attirer dans un coin excentré quand tu comprends qu’il doit, certainement, se mettre en route pour le QG. T’as une légère accélération dans ton pas et tu finis par rouvrir la bouche, en essayant d’afficher un regard brillant de curiosité.

« Tu m’parlerais un peu de ton job ? T’as l’air plus sûr de toi que les autres, t’es un chef de milice ? Comment ça s’passe sur les murs ? Vous voyez souvent des marcheurs ? »

Tu viens littéralement de tenter le tout pour le tout. Tu l’assailles de questions en espérant que flatter son égo va te donne run peu de temps, ou son envie de parler, de te connaitre. Tu t’en fiches qu’il puisse avoir de mauvaises intentions, tu ne veux que l’isoler, le temps de passer à l’acte. Ou au moins, en savoir assez pour le faire plus tard.

« Ahah, je parle beaucoup, désolée. Tu passes une main dans tes cheveux avec un sourire timide. Je suis super curieuse d’en savoir plus, j’ai toujours cru que les miliciens étaient des planqués, mais t’as l’air différent des… autres. »

Et t’en rajoutes une couche. C’est mauvais pour toi, tu ne connais pas du tout la limite dans ce genre de flatterie…

Elle était toujours là me suivant comme mon ombre, d'abord en silence, je m'en satisfaisais me disant qu'un nom avait suffit à la faire taire. Pas pour longtemps quand elle sembla sortir de ses propres pensées elle me demandait si elle pouvait me suivre. Apparemment elle connaissait quelqu'un au QG, lorsque je jetais un oeil vers elle j'aperçus ce regard que je connaissais trop bien. D'autres miliciens avaient donc abusé cette enfant d'une façon ou d'une autre... Ce n'était pas mon problème mais j'acceptais de l'emmener jusqu'au QG de la milice, en silence comme toujours. Déjà je ne voyais pas l'intérêt de me confondre en paroles, et en plus même si je parlais couramment anglais ça me gavais de devoir faire des efforts. Des efforts pour survivre, des efforts pour manger, et même pour parler... A quoi bon, le silence était l'un de mes meilleurs amis.

Peu après la ronde se terminait, plus d'incidents, tant mieux. Faire les rondes n'était pas dans mes affectations habituelles et pour cause, je finissais toujours par créer de plus gros problèmes que ceux qu'il y avait de base. En temps normal les seules rondes que je faisais étaient sur les murs, pour vérifier qu'aucun infecté ne s'infiltrait. Sinon je surveillais les cellules de décontamination, ou encore je récupérais les dus de mauvais payeurs. Il m'arrivait d'exécuter des gens quand Ford me le demandais. Mais ma principale activité c'était le ravitaillement en extérieur. Surement parce que j'étais suffisamment agile pour tuer les marcheurs avant qu'ils ne me mordent. Nous prenions donc doucement la route du QG quand la gamine rouvrit la bouche, je soupirais alors.

« Tu m’parlerais un peu de ton job ? T’as l’air plus sûr de toi que les autres, t’es un chef de milice ? Comment ça s’passe sur les murs ? Vous voyez souvent des marcheurs ? »

Pfff... Absolument pas envie de parler de mon job... Je regardais toujours tout droit en l'écoutant poser d'autres questions. Quel ennui... J'ai l'air plus sur de moi que les autres... Peut-être, j'ai probablement juste plus l'habitude de la merde qu'eux. La plupart des miliciens sont pas entrainés pour faire ce job. Je lâchais alors un Mouais... lorsqu'elle demandait si on voyait des marcheurs je me répétais Mouais... J'avançais toujours, le pas légèrement plus dynamique, car je n'avais pas l'intention de laisser cette conversation trainer. Je n'aimais pas avoir l'impression de me faire interroger encore moins par une gamine à qui je ne devais rien. Fort de constater mon agacement elle s'excusa de trop parler. Bon au moins elle est perspicace. Lorsqu'elle sous entendit que les miliciens étaient des planqués je ne pu me retenir de rire légèrement. Elle était pas con la gamine.

"Pas tous, mais la plupart oui."

Au bout d'encore quelques minutes de marche nous arrivions à destination, je m'apprêtais à rentrer dans le bâtiment lorsque je fis volte face.

'Tu connais qui déjà ? Je te le fais envoyer.

Elle me regardait fixement, était elle prise de cours ? N'avait elle pas droit de connaitre cette personne ?
Peu importe, si elle ne répondait pas vite c'est probablement qu'elle nevoulait pas me le dire, je ne resterais donc pas là à attendre.

Tu cherches le bon coup, le bon moment. Ça faisait longtemps que tu ne t’étais pas montrée aussi charognard et ça te fait un peu bizarre dans le fond. T’es pas un assassin, à la base. T’as déjà tué, t’as déjà blessé, doublé, diffamé, mais te retrouver à suivre ce type que t’exècres pour trouver le meilleur moyen de le tuer, ça, c’est vraiment le plus bizarre. C’est un peu le pied aussi, parce que tu réfléchis à chaque instant à quel point tu lui feras payer son geste.

« T’es pas très causant, toi. »

Tu dis ça sur un ton amusé, peut-être un peu moqueur même. Parce que ses “mouais” pourraient presque couvrir 80% de ce que ce type a accepté de te dire depuis qu’il est intervenu. Ilya. Son prénom résonne encore une fois dans ta tête, et tu serres les deux. Ilya et mouais. Le tueur de tes parents se résume à ça. Un être humain, qui ne veut pas d'interactions, c’est peut-être ce qu’il est, après tout.

À sa réponse sur les miliciens qui se planquent dans leurs rangs, tu as une moue agressive, presque dégoûtée que tu caches en tournant la tête. Et c’est comme ça que tu passes à côté du bon moment. Parce que tu es obligée de te reprendre, et que son prénom continue de tourner dans ta tête. Et tu comprends, Theresa, quand il s’arrête, que tu es dans un tel flou artistique que tu as loupé ton moment.

« Je… C’est… Tu le regardes fixement et si ta main bouge vers ta ceinture c’est au début pour attraper tes poignards. Pourtant, c’est dans tes poches que tes poings finissent et tu recules, avec angoisse. Nan, laisse tomber, en faite, je vais y aller. Tu recules encore, alors que tes yeux se relèvent vers le reste du bâtiment. À bientôt, Ilya. »

Et tu fais demi-tour, d’un bloc, comme ça. Tu te rends compte que tu t’es complètement dégonflée, comme ça, sans raison, si ce n’est la volonté de ne pas vouloir te faire fusiller. Et alors que tu remontes la rue pour t’enfuir, son prénom continue sa ronde dans ta tête.

Ilya. Ilya. I-ly-a. Il-y-a. Ilya.

Ilya. Le tueur de tes parents a un nom. Et aujourd’hui, Theresa, tu étais prête à assassiner un anonyme, mais tu n’as pas pu le faire sur un “quelqu’un”. Aujourd’hui… Promis, tu ne te louperas pas demain !