viscéral ▬ finn

Prudemment, j'avance dans ce qui était autrefois le deuxième district. Pas une âme en vue. Pas un marcheur non plus. Tant mieux. Ce ne sont pas des bipèdes bruyants et puants qui m'intéressent aujourd'hui, mais leurs dépouilles. Eh oui ! Cette Adelaide est une Adelaide qui part en mission, aujourd'hui ! Une mission de la plus haute importance ! Et je me suis très bien équipée !

Je refais l'inventaire dans ma tête, fière de mon organisation sans failles. J'ai emmené une paire de gants en latex, des lunettes de plongée un peu sales que j'ai trouvé par terre, un masque de chirurgie, mon scalpel préféré, un tuyau rouillé au cas où j'ai besoin de me défendre, et plus important que tout : un gros tupperware ! Oui, décidément, je suis vraiment parée à tout, la meilleure, il va sans dire. Il ne manque qu'une seule chose, mais normalement, je devrais la trouver bientôt. Je me faufile entre les décombres de ce qui devait être... une maison, ou un autre bâtiment pas très important du même genre ? On s'en fiche, c'est pas le plus important. J'enjambe un morceau de mur, je marche sur... une poupée ? Beurk. Et je continue d'avancer... Ah ! Je reconnais cette odeur ! Je m'approche ! OUI ! JACKPOT !

▬ Hihihihihuhuhuhehehe...

Je m'accroupis près de ma merveilleuse trouvaille. Ce qui autrefois était un marcheur, et n'est maintenant plus qu'un cadavre en train de se décomposer. A l'odeur et à la couleur, visiblement, je n'arrive pas trop tard : ses organes ne sont pas encore liquéfiés. Par-fait ! J'enfile mes gants, j'ajuste mon masque, je mets mes lunettes, et au boulot ! Je me mets à genoux pour plus de stabilité, et je pousse doucement le corps pour qu'il soit sur le dos, face à moi.

Un spécimen masculin adulte, entier à part pour une main qui semble manquer, j'imagine dans une tentative désespérée d'amputation ? Tu parles d'un abruti. Comme si ça aurait arrêté quoique ce soit. Décès par perforation crânienne – j'aurais bien récupéré le couteau enfoncé dans son œil, mais je ne sais pas si le temps passé à le désinfecter en vaudra vraiment la peine. Surtout que, bon, je ne sais pas trop ce qui s'est passé, mais clairement ce couteau est enfoncé très, très profondément... Mon petit marcheur, tu as fait des bêtises, toi, hein ? Je lui tapote le bout du nez en souriant. Je voudrais presque le remercier d'être mort ici et pas plus loin, et de m'avoir évité de prendre trop de risques. Mais pas le temps ! J'ai une MISSION !

J'utilise mon scalpel pour découper ce qui reste de son haut, et mettre à découvert son torse, que je palpe avec curiosité. La dernière fois que je suis sortie du district pour essayer de faire ce que je m'apprête à faire, c'est à ce moment là que j'ai été interrompue, et depuis, plein de gens croient que je suis intéressée par les marcheurs parce que je veux les... … Ce qui est complètement absurde, d'ailleurs. Si l'on sait une chose sur ce virus, c'est qu'il se transmet par les fluides, donc il est forcément sexuellement transmissible, non ?

Je pose mon tupperware ouvert à côté de moi, mais assez loin du cadavre pour éviter que des asticots rentrent dedans. Je voulais seulement récupérer son estomac, mais est-ce que j'aurais la place pour ses parties génitales aussi ? Hmm. Peut-être que je devrais me concentrer sur une seule chose à la fois. Mais est-ce que ça ne serait pas intéressant, de mesurer le potentiel de reproduction avec un marcheur ? Je regarde son entrejambe. … Non, définitivement, si ça doit arriver, ce sera pour une autre mission. Déjà que je risque d'attirer l'attention avec un estomac, j'imagine même pas avec des testicules... Enfin si, j'imagine très bien, justement. Ce sera un problème pour l'Adelaide du futur !

L'Adelaide du présent, actuellement, doit se concentrer. La main sûre, les dents serrées, je trace une incision nette au niveau de l'abdomen de mon nouvel ami. Oh, l'odeur est atroce... Je vais encore puer pendant des jours. C'est un sacrifice que je suis prête à faire, pour la SCIENCE ! Avec douceur, j'agrandis l'ouverture dans son ventre et j'écarte son foie. Après quelques incisions de plus et avoir débarrassé mes gants d'asticots trop ambitieux, je le tiens ! Enfin ! Et... Merde, il a glissé. Je le reprends en main, mais il glisse encore. Mais c'est pas possible, c'est du savon ou quoi ? Je ne peux pas le prendre avec trop de force, sinon je risque de l'abîmer...

▬ AAH !!

Il a rebondi sur mon visage ! J'aurais pas dû crier, mais je m'y attendais vraiment pas. Bon, au moins, maintenant, il est dans le tupperware. Impossible qu'il saute tout seul hors de là… Normalement. Mais je n'aurais vraiment, vraiment pas dû crier. Je regarde autour de moi. S'il y a des marcheurs dans les environs, j'ai probablement attiré leur attention. Je retire mes lunettes pour mieux voir. Visiblement, je suis seule... Ah non. Mais c'est pas un marcheur, lui !

Sa tête me dit un truc... Un collègue ? Dans tous les cas, il a probablement tout vu. Que faire ? Je pourrais essayer de partir en courant, mais on risque forcément de se croiser à nouveau dans le district, et ça sera encore plus gênant. Bon. Peut-être que si je suis polie, il ne racontera à personne ce qui vient de se passer. Les gens sont gentils avec les gens polis, non ? Alors autant commencer par les formalités. Je tire sur mon masque pour le coincer sous mon menton, histoire de me faire entendre.

▬ Coucou ! Tout va bien de ton côté ?

... Ca devrait le faire.