Osons ! [Adelaïde]

J’apprends, je mets en pratique mes études en travaillant à l’infirmerie mais il m’arrive aussi de donner un coup de main au laboratoire. En gros, je nettoie le matériel de base, celui que ne pourrais casser qu’en le faisant exprès, ce que bien sur, je ne ferais pas ! Je m’applique et en échange je peux observer les travaux des chercheurs, prendre des notes et apprendre du coup. Je pense que d’ici quatre ans, je serai considérée comme une toubib et que je serai habilitée à entamer des recherches aussi, du moins à les aider. D’ici là, patience, Shasha ! Petit à petit, l’oiseau se prémunit (fait son nid) !

Je connais tout le monde au labo, au moins de vue. Il y a une dame que tout le monde semble éviter,  même le personnel ici a l’air de limiter ses contacts avec elle au strict minimum. Elle serait bizarre, elle aurait une fascination morbide pour les morts. Il y a même quelqu’un qui l’aurait vue dans le cimetière, un soir de pleine lune, faisant un câlin avec un macchabée fraîchement déterré par ses soins. En même temps, Fred, la personne qui dit ça avait tendance à dire du mal de tout le monde. Moi je la trouve classe, Adelaïde puis je n’aime pas qu’on diffame alors j’ai puni le menteur, je l’ai amené à dire du mal d’un des miliciens, Tom, un gros baraqué "gentil", comprendre gentil et un peu bête. Sauf que Tom était derrière lui à ce moment-là, j’y ai veillé et Tom, il est peut-être gentil mais il n’aime pas qu’on se moque de lui. Fred s’est retrouvé tout au bord d'un toit, pendu par un pied, la tête en bas et on s'en doute, s'il avait été lâché à ce moment-là, ça aurait plus que piqué. Pour que Tom le lâche mais pas avant d'avoir reculé, il a du s’excuser haut et fort pour toutes les personnes qu’il avait diffamées, incluant Adélaïde. Je crois que toute le district l’a entendu. Puis il a du dire que c’était un jeu pour que Tom ne soit pas inquiété. Depuis, il la ferme, le vilain menteur.

La justice s’appelle Shasha.

Il n'y a pas que moi mais il y a moi aussi ! Donc je connais Adélaïde de vue mais pour ma part, je ne l’évite pas, c’est juste qu’elle a toujours d’être ennuyée quand on lui parle alors ... J’évite. Elle fait son travail avec des gestes fluides et gracieux sans même qu’elle s’en rende compte je pense, naturellement. J’essaie de faire pareil mais ce n’est pas très concluant. Des fois elle prend sa pause sur le toit du laboratoire, alors je la suis discrètement et je la vois observer les marcheurs au-dela du grand mur. Ca se voit qu’ils la fascinent, ça m’intrigue particulièrement alors je les observe aussi. Il ressort de mon observation qu’ils n’ont pas aucune conscience de leurs actes mais autre chose aussi, quelque chose d’étonnant en fait. Je réfléchis au moment où je pourrai lui en parler. De toute façon, je reste moins de temps qu’elle sur le toit et je me place toujours en retrait. Ce n’est pas comme si je me cachais, c’est juste qu’il y a les blocs de l’ancienne clim’ entre elle et moi.  C’est par conséquent le décor qui me cache, nuance !

J’observe les zombies, j’observe Adelaïde qui observe les zombies puis je me sens lasse et je ferme les yeux quelques instants en me couchant sur le sol en métal. Une petite minute de détente puis je m’étire comme un chat en baillant avant d’ouvrir les yeux et de voir que la brune est penchée sur moi et qu’elle me regarde fixement !

Osons !

"Heu, salut !"

Dis-je en souriant de toutes mes dents.

Je ne me sens pas mal sur le toit, de toute façon je pourrais dormir sur du béton armé alors bon. Puis si ce n’était pas des plus confortables, le regard d'Adélaïde me le ferait oublier derechef.

"Merci."

Lui dis-je tout simplement en acceptant sa main que je sens au passage avec ravissement après qu’elle m’ait aidée à me relever. Je ne dois pas être "normale" mais j’aime l’odeur des désinfectants, les mille et une senteurs d’une infirmerie, d’une clinique, d’un laboratoire. Je ne la quitte pas des yeux, un brin étonnée qu’elle me parle. Son sourire, ses questions, et puis elle me tutoie. Ca me plait !

"Oui, on se connaît de vue en tout cas. Je m’appelle Shawna, j’aide au laboratoire mais surtout à l’infirmière en tant qu’apprentie infirmière et docteure. Oh, je ne m’ennuie jamais."

Je ne le dis pas tout de suite parce que c’est un peu gênant à dire. Non, c’est très gênant mais un des avantages d’une peau noire, c’est que ça ne se voit pas quand je rougis !

"Le laboratoire est un endroit tellement fascinant mais il y a beaucoup mieux encore, c’est dire."

Je progresse mais ce n’est pas encore ça, j’avale ma salive et je commence à "me lancer" vraiment :

"J’ai commencé à observer les marcheurs parce que tu les admires, ça se voit. Ils m'intriguent parce qu'un virus ne devrait pas pouvoir interagir avec un organisme mort. En tout cas, je n’éprouve pas de haine envers eux parce qu’ils n’ont aucune conscience de leurs actes."

Allez, dis-lui, Shasha la battante !

"Le laboratoire est fascinant mais tu l’es encore plus. Je crois que nous avons toutes les deux très envie de découvrir l’intérieur d’un marcheur."

Je conclue pour le moment sur ces mots avec un sourire en coin.

Je crois qu'Adélaïde m'aime bien et je suis quasiment certaine qu'il y a très peu de personnes dans ce cas ! Moi je l'aime bien et je suis persuadée que je suis pour ainsi dire la seule dans ce cas ! Je l'écoute attentivement sans laisser paraître les sentiments qu'elle éveille en moi. Elle a une telle passion que je ne lui bondis pas dessus pour le coté monstrueux de ses propos quelque part, je comprends aussi qu'elle a un petit coté autiste et je ne dis pas ça pour me moquer des autistes, loin de là. Elle ne réalise pas l'horreur qui a découlé du fléau zombie, c'est comme si elle n'avait pas d'empathie pour toutes les victimes des marcheurs. Oh, je ne la juge pas ! Cette femme ne le fait de toute évidence pas exprès et ce n'est pas en la rejettant qu'on pourra éventuellement l'emmener à ressentir la douleur chez les autres. De toute façon, je n'essaierai pas de la changer, ni de la faire évoluer ou alors si elle le désire et nous n'en sommes pas là. Je l'aime bien et sa passion est comme qui dirait contagieuse, une bonne "maladie" au demeurant ! Comme "la maladie d'amour", hihi !

"Tu peux glousser, ricaner et même rire à mes cotés, j'aime la spontanéité !"

Lui dis-je avec un grand sourire.

"Alors toi, tu es cadeau !"

Je m'exclame ainsi quand je suis sure qu'elle a fini de s'exprimer, du moins pour le moment ! Je fais rapidement le point sur tout ce qu'elle a dit avant de me lancer :

"De chercheurs ont planché sur les premiers marcheurs avant que tout parte en vrille. Ils en ont déduit que les zombies sont morts et qu'un virus leur rendrait certaines fonctions primaires et surtout le besoin de manger. Néanmoins, d'après certaines informations venues de l’extérieur, des marcheurs anciens verraient certaines fonctions cérébrales de réveiller, comme Lazare, qui aurait été le premier zombie quand Jésus l'a sorti de la tombe. Ce serait extraordinaire de pouvoir étudier ces zombies même si certains pourraient récupérer des talents de combattants et être de faire encore plus dangereux qu'un marcheur lambda, si je puis m'exprimer ainsi."

Un zombie de base, c'est vraiment moi qui ai dit ça ? Mais ça fait douze ans maintenant que le fléau a détruit la civilisation humaine, ça commence à devenir "basique". J 'enchaîne :

"Sans verser dans la philo, nous ne pouvons hélas dire que les marcheurs sont les méchants et les humains les gentils. Nos aînés étaient en train de détruire la planète sans aucun remord, évidemment pas tous mais ceux qui dirigeaient. Sans les zombies, les humains se seraient entre-tués, la guerre civile était toute proche et même les rescapés sont loin d'être unis mais je comprends ce que tu veux dire. Quelque part, c'est une aventure pour nous qui nous intéressons à eux !"

Puis je me frotte les mains et prends un air de conspiratrice quand Adélaïde me demande mon plan pour disséquer un marcheur sans risque pour la communauté.

"Oh oui, j'ai un plan et tu en as la primeur. Le mur du district passe tout près d'un bâtiment. Dans la panique de la fuite l'année dernière, un chapelet de grenades a fait sauter au rez-de-chaussée le seul escalier qui permettrait aux zombies de rejoindre les étages supérieurs et donc le toit, ce qui est parfait en l’occurrence. Avec une simple passerelle, on pourrait rallier le toit du batiment. De là, on pêcherait un marcheur et on le remonterait largement entravé avec un système de cordes. En haut, on isolerait une zone d'opération avec des bâches transparentes pour pouvoir aussitôt démembrer le cobaye. Puis on porterait des combinaisons de protection contre le virus, surtout parce qu'en l'ouvrant, ce serait hautement contagieux sans ces précautions. Nous avons la matière première et des personnes assez bricoleuses pour l'adapter, puis je pense qu'avec ces garanties de sécurité, c'est à notre portée. Qu'en penses-tu ?"

Adélaïde a sans doute une ou deux idées qui auraient pu m'échapper, complémentaires avec mon plan qui du coup deviendrait notre plan.

"Ca serait carrément trop fun !"

Je conclue ainsi pour le moment en souriant de toutes mes dents. Je crois qu'on est un peu "atteintes" toutes les deux mais les génies ont un zeste de folie !