Il va falloir aller de l’avant. Elle ne reviendra pas ou même si elle le fait tu ne peux pas te laisser mourir pour l’attendre. Ni toi ni Hope. Tu n’es plus le seul responsable de tes actes. Même si avant tu avais pu croire que vous étiez un tout avec elle, visiblement ce n’est pas le cas. Elle pouvait se brouiller seule si jamais tu ne rentrais jamais à la maison ou si tu étais simplement absent pendant une longue période, lui non.
Hope ne peut pas se nourrir seul, pas se soigner ni se protéger. C’est un enfant, il a à peine 2 ans et même avec la meilleure éducation du monde ou si tu lui laissais Luck ça ne changera rien du tout qu’il faut quelqu’un pour s’occuper de lui. Tu pourrais changer ton utilité pour la communauté, changer de spécialisation, ne plus aller dehors, agir dedans, mais d’une tu as promis à David de lui apporter des choses et deux il te faut sortir et bouger pour ne pas devenir plus fou que tu ne l’ait.
Tout le monde est fou dans ce monde, il ne faut pas se berner, accepter est bien plus facile. Ça ne fait pas devenir tout d’un rose bonbon dégueulasse, mais permet de ne pas se faire des illusions stupides sur ce qui entoure chacun d’entre nous. Tu préfères le monde en gris qu’avec des couleurs criardes qui altèrent ce qui se passe réellement. C’est con que tu sois le premier à ne pas voir le gris de tes proches. D’elle.
En attendant, tu dois trouver une solution et aucune ne se fait pour toi. Tout se paye ici, logique en même temps. S’occuper d’un enfant n’est pas quelque chose de simple ou d’essentiel à la survie. Pendant un moment tu as pensé à passer au labo pour demander à un scientifique dedans de s’en occuper, mais une peur des expériences faites possibles sur lui te fait frissonner. Tu es fatigué de ne pas connaître assez de monde pour donner sans crainte ce petit être. Tu en as assez d’avoir trop de vie à porter sur tes épaules.
Tu aimerais juste pouvoir t’envoler sans crainte. Avant c’était elle, maintenant c’est Hope que tu dois garder en vie. Quand est-ce que toi tu devras te garder aussi en vie tout simplement ? Tu ne te poses même plus la question.
C’est l’esprit complètement en vrac alors que tu cherches une solution pour le petit qui est dans tes bras que tu fixes le bout de jardin face à toi. Tu ne pouvais pas rester chez toi pour réfléchir à tout ça, alors tu es sorti et tes pas t’ont conduit ici. Hope s’est endormi depuis un bon moment.
C’est vraiment impressionnant les gens qui continuent à arriver à faire pousser des plantes dans ce monde dur et en plein désert. C’est aussi parce que tu es incapable de ce genre de patience et force que tu préfères sortir. Tu te penches et l’une de tes mains s’avance vers une pousse avant de se stopper. Est-ce que la toucher ne va pas lui faire du mal ?
Tu t’étires en te relevant Kaelyne, et le sourire que tu affiches à la vieille dame qui te reçoit aujourd’hui vaut tous les soleils du monde. C’est ce qu’elle te dit d’ailleurs. Qu’à défaut de pouvoir sortir dehors pour profiter du soleil du désert des Mojaves, elle en a un petit bout quand tu passes la voir, deux fois par semaine. Une remarque toute bête, hein ? Mais toi, ça te met les larmes aux yeux.
Après lui avoir préparé l’huile de massage qu’elle doit appliquer, matin et soir pour soigner la sciatique avancée qu’elle combat depuis des mois, tu l’embrasses sur le front, refuses le paiement en nourriture qu’elle te propose et tu ranges tout dans ton sac. Tu es sur le point d’atteindre sa porte quand elle te lance :
« Alors, sers-toi dans mon jardin, d’accord ? Et soigne d’autres gens avec ! -Ohhh ! Merci madame ! »
Tu rayonnes littéralement quand tu refermes la porte de sa petite baraque en bois. Tes yeux se lèvent vers le soleil, puis tu te mets en marche vers son petit jardin quand tu vois une silhouette arrêtée là, penchée vers une plante. Ton premier sentiment, Kaelyne, c’est de te demander s’il compte piller ou vandaliser l’endroit… Avec la fin du monde, les gens sont devenus plus inhumains qu’avant.
Puis tu vois le petit paquet qu’il a dans les bras et là, tu fonds, littéralement. Avec cette expression d’une douceur incroyable, les yeux luisants d’espoir et de rêve, tu t’avances en silence vers l’homme et quand tu comprends qu’il n’ose pas y toucher, tu prends ton courage à deux mains :
« Vous pouvez en prendre un brin, c’est de la menthe poivrée, ça sent vraiment très bon. »
Tu lui souris, quand tu captes son attention en venant ainsi perturber ses pensées et après un instant d’hésitation, tu laisses libre cours à ce que tu es vraiment : un être solaire et avenant. Tu t’approches de lui et tes yeux viennent chercher le visage de l’enfant qu’il porte avec lui.
« C’est votre fils ? Il est adorable ! »
C’est à la limite si tu n’as pas des étoiles dans les yeux. Tu restes là, à dévisager le tout petit bambin des yeux, jusqu’à finalement te rendre compte de ton geste et rougir subitement. À la place, tu ouvres ton sac, fouille à grand renfort de marmonnements et tu finis par sortir un petit pot de miel que tu aromatises toi-même avec une eau de fleurs réputées pour aider au sommeil et à la détente.
« Tenez, pour votre petit bout. J’en ai trop fait pour une maman dont le petit ne voulait pas dormir sereinement et je ne pense pas m’en servir moi-même. »
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